Synopsis
Février 2016, Tel Aviv. La psychiatre palestinienne Samah Jabr, originaire de Jérusalem, anime le séminaire « Psychothérapie et politique » face à un public de spécialistes israéliens et palestiniens. Il y est question de la peur en tant qu’obstacle à la guérison d’un traumatisme collectif, de son instrumentalisation par les Israéliens et de ses conséquences sur la vie quotidienne des Palestiniens. « Si un Israélien respire plus », assène-t-elle, « le Palestinien, lui, étouffe davantage ». Depuis le début de sa carrière, Samah Jabr se bat pour faire reconnaître par la communauté internationale l’impact psychologique causé par la Nakba, l’exode palestinien de 1948. Un deuil impossible, une souffrance et un sentiment de faillite collectif qui ont engendré des dommages irréversibles sur la personnalité individuelle des Palestiniens et le système de valeur de toute une communauté. Pendant plus de trois ans, la réalisatrice Alexandra Dols a cheminé sur les routes de Palestine aux côtés de Samah Jabr, pour rendre compte de son combat visant à dénoncer ce qu’elle considère être une forme de torture psychologique mise en oeuvre officiellement par l’État d’Israël, via les injustices et humiliations infligées quotidiennement. Face caméra, Samah Jabr égrène les exemples qui conduisent selon elle au sentiment d’emprisonnement psychologique, à l’indignation refoulée et au conditionnement. L’attente interminable au check-point pour sortir de la ville, dont les barrières se ferment pour une durée indéterminée en guise de punition dès qu’un klaxon retentit pour manifester un mécontentement. Le système de permis attribués aux Palestiniens, plus de 165, sans lesquels ils ne peuvent se déplacer hors de la ville, et qui n’aboutissent pas toujours pour autant à l’autorisation de circuler, sans qu’une raison ne leur soit donnée. Ou encore les arrestations intempestives, sur soupçon de terrorisme, sans preuve. Plus étonnant, la psychiatre évoque aussi le cas de certains Palestiniens pour qui l’oppression est si intériorisée qu’elle aboutit à un processus d’identification à l’image négative du peuple palestinien renvoyée par Israël. Un syndrome de Stockholm qui touche majoritairement les plus jeunes, élevés dans la peur. Pour Samah Jabr, le contrôle israélien est un problème de santé mentale autant qu’un problème politique, et au-delà de la libération des territoires palestiniens, elle revendique la libération psychique de ses habitants. La psychiatre a fait de son travail thérapeutique sa propre forme de lutte, en soignant les blessures psychiques et les individualités brisées pour leur donner les moyens de faire face. Derrière les fronts rend hommage à ce travail de reconstruction en s’appuyant sur une approche psychologique originale du conflit israélo-palestinien et en récréant un espace sécurisant de parole. Dans la dernière partie, cependant, le discours militant et la condamnation frontale d’Israël prennent progressivement le pas sur le témoignage. Il n’est plus dès lors question d’analyse psychologique mais d’un appel sans équivoque à la résistance physique de la part du peuple palestinien.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
