Synopsis
Pour ce documentaire, le premier dans son oeuvre, Eugène Green a fait le choix de l’épure en concentrant son questionnement sur la langue et l’identité basques autour de quatre jeunes gens, qu’il filme conversant, assistant à un concert, échangeant avec d’autres... Le film s’ouvre avec la voix de l’écrivain Joseba Sarrionandia, qui interviendra à plusieurs autres reprises. Il parle de son enfance, de cette école qui ne lui permettait pas de parler sa langue, de la consubstantialité de la langue et de la politique : « Ceux qui avaient bombardé Durango et ceux qui ont marginalisé la langue basque étaient les mêmes personnes », dit-il. Puis c’est le prologue. Une succession d’intervenants, tous plutôt jeunes, parlent de leur rapport au basque et de l’influence de leur identité culturelle dans leurs différents parcours. Une jeune femme raconte comment les autorités ont fermé le journal où elle travaillait, pour « appartenance à l’ETA ». Sept ans plus tard, les journalistes eurent gain de cause devant la justice, mais le mal était fait. Si toutes et tous ne revendiquent pas nécessairement un nationalisme farouche, ils et elles montrent un attachement tout particulier à leur terre et à leur langue. Le film se compose ensuite de trois parties, abordant différents aspects de la culture basque aujourd’hui. Aujourd’hui, le mot est important : Eugène Green semble s’efforcer de prouver l’actualité de cette culture, qui n’est pas réservée à quelques paysans idéalistes et vieillissants. De ce côté-là, pas de problème, on sort du documentaire tout à fait convaincu de la vivacité du basque. Ce qui est par contre moins convaincant, c’est la forme du film lui-même. Les discussions entre Ortzi, Aitor, Ana et Ugaitz sont loin d’être toutes passionnantes, les scènes de concert sont très longues, et on récolte en définitive bien peu d’informations au cours de ces presque deux heures de film. Les quatre jeunes assistent à une « pastorale », spectacle apparemment très codifié, dont on ne nous dit rien des origines ou des significations. Ana parle des provinces basques en déplorant que les non basquophones n’en connaissent rien. Le film n’en dira rien non plus. Ce choix du verbe, de la poésie contre l’informatif et le pédagogique, pourrait s’entendre, mais en termes de mise en scène on est quand même loin du Monde vivant ou du Pont des arts. L’ennui pointe donc assez rapidement et on ne sort pas rassasié de cette évocation extrêmement lacunaire d’une culture dont beaucoup de spectateurs ne savent strictement rien. On se prend en revanche à imaginer le beau film de fiction que Green aurait pu réaliser autour de la langue basque, des chants traditionnels et des paysages où ils prirent naissance. La Sapienza avec un linguiste à la place de l’architecte par exemple ! C’est donc à regret que l’on quitte les quatre héros de ce film pas vraiment abouti. On se dit que c’est une occasion manquée, une forme qui ne s’est pas trouvée. On ne saurait reprocher au cinéaste d’avoir tenté quelque chose de nouveau. Mais, trop long, pas assez consistant, trop ou pas assez mis en scène, Faire la parole apparaît comme un essai manqué.
© LES FICHES DU CINEMA 2017
