Synopsis
Après avoir été un pays florissant grâce à la manne économique générée par le pétrole, le Venezuela, comme l’annonce le titre de ce documentaire, est tombé dans un chaos entraînant une émigration massive : en 2015, 1,6 million de Vénézuéliens auraient quitté leur pays selon les Nations Unies. La réalisatrice franco-vénézuélienne Margarita Cadenas a voulu rendre compte de la gravité de la situation en réalisant ce documentaire. Pour dépeindre l’état du pays, elle a choisi de suivre cinq femmes vénézuéliennes confrontées à un quotidien où les ressources élémentaires pour le maintien du bien-être de chacun ne sont plus une évidence. Ces cinq portraits se suivent comme cinq courts métrages additionnés l’un après l’autre. À partir de cet ensemble de regards sur le Venezuela actuel, le spectateur doit pouvoir juger de l’urgence à venir faire respecter les Droits de l’Homme dans ce pays. C’est uniquement à travers le témoignage de ces cinq femmes que la réalité sociale est présentée : ici, pas d’échanges avec des spécialistes, avec des politiques, historiens, membres d’associations, journalistes, etc. Ce parti pris est suivi tout au long du film et offre un documentaire authentique, qui ne prétend jamais embrasser toute la complexité de la crise traversée par le pays mais se concentre sur ses immédiates victimes. Les cinq femmes représentent ainsi diverses plaies contemporaines au Venezuela. Il y a Kim, qui travaille dans un hôpital et qui est confrontée chaque jour à une pénurie de moyens empêchant de prendre en charge les patients. Maria José est enceinte et vit la peur au ventre d’être un jour kidnappée dans un pays où la délinquance a pris un tour d’une extrême violence. Eva, sans emploi, doit chaque jour faire une queue interminable dans l’espoir de se procurer quelques denrées alimentaires pour elle et sa famille. Luisa a vu un jour débarquer chez elle les forces de police, lesquelles ont emmené son petit-fils pour une incarcération provisoire qui a duré deux ans, sans procès ni motif d’inculpation officielle. Quant à Olga, son fils de 6 ans a été assassiné sous son toit, en pleine nuit, par une brigade d’intervention spéciale. Depuis, elle ne cesse d’interpeller les autorités pour réclamer une justice qui ne s’applique pas. Le choix de limiter l’investigation du documentaire à la sphère privée de ces cinq citoyennes vénézuéliennes se révèle nécessaire, dans un pays plongé dans l’autocensure, et où filmer des situations susceptibles de nuire au gouvernement peut entraîner de lourdes peines d’emprisonnement. La réalisation repose sur un subtil travail de montage et une grande pudeur dans la réalisation des entretiens, pour qu’en définitive, soit relayé le regard de citoyennes alertant la communauté internationale. Margarita Cadenas filme sans didactisme des citoyennes actives plus que des victimes, malgré le constat d’un monde qui est en train de s’autodétruire. Ce film passé quasiment inaperçu au moment de sa sortie constitue un témoignage essentiel sur le chaos d’un pays.
© LES FICHES DU CINEMA 2018
Réalisateur