Caniba (2017) Véréna Paravel, Lucien Castaing-Taylor

Pays de productionFrance
Sortie en France22 août 2018
Procédé image35 mm - Couleur
Durée90 mn
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Générique technique

RéalisateurVéréna Paravel
RéalisateurLucien Castaing-Taylor
Société de production Norte Productions (Paris)
ProducteurValentina Novati
ProducteurVéréna Paravel
ProducteurLucien Castaing-Taylor
Distributeur d'origine Norte Distribution (Paris)
Ingénieur du sonNao Nakazawa
Ingénieur du sonVéréna Paravel
Ingénieur du sonLucien Castaing-Taylor
MixeurBruno Ehlinger

générique artistique

Bibliographie

Synopsis

Dans les remerciements de fin de Caniba, le dernier film de Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor (auteurs, en 2013, du sidérant Leviathan), un nom retient et cristallise l’attention de l’oeil critique : celui du clivant cinéaste Joshua Oppenheimer. Il y a, en effet, une nette filiation entre l’affreux (quoi que l’on pense du film, cet adjectif tombe sous le sens) The Act of Killing, qui donnait la parole à des criminels de guerre indonésiens, et celui-ci, où les deux cinéastes partent à la rencontre d’Issei Sagawa, qui, en 1981, alors qu’il était étudiant à l’université de Paris 3, avait assassiné puis dévoré Renée, une camarade néerlandaise. Dans les deux cas, les films s’attachent (ou plutôt s’y efforcent, en l’occurrence, tant Paravel et Castaing-Taylor eux-mêmes semblent souffrir) à donner une représentation matérielle de la folie criminelle. En cela, il y a également une certaine filiation théorique avec Leviathan qui se dévoile : donner à voir, de manière empirique et organique, quelque chose de tellement impalpable que l’on pense l’entreprise impossible. Faire sauter les contingences pour faire apparaître une essence, qu’elle soit animale ou primale. Il y a là de l’ambition. Il y a de la cohérence. Alors, qu’est-ce qui cloche dans Caniba ? Il y a qu’on ne filme pas un chalutier comme un cannibale, et que l’expérience immersive qui tend à dénuder l’extime pour faire exploser l’intime, dans cette nouvelle configuration, pose d’autres questions morales... Le côté conceptuel de la réalisation, faite essentiellement de très gros plans flous, dénués de toute profondeur de champ, se ressent alors comme une tentative un peu désespérée pour impliquer le spectateur, mais témoigne surtout de l’incapacité manifeste des réalisateurs à transcender en idées cinématographiques nettes les horreurs qui sont exprimées. Le visage de Sagawa, malade et raide comme un masque mortuaire, mange l’écran, tour à tour abstrait (le mal se terre et refuse l’absolution) ou plus distinct (Sagawa reconnaît sa folie sans détours). Le regard de Paravel et Castaing-Taylor n’est pas complaisant, mais pire : il est atone, comme engourdi par l’horreur inaltérable qu’inspire leur hôte. Et si Caniba se sauve c’est grâce à un personnage qui, au départ, n’était pas le sujet : le frère d’Issei, avec lequel il vit. Celui-ci semble d’abord manier la claque et la caresse avec habileté, jusqu’à ce que l’on découvre chez lui une démence plus insidieuse, mue sans doute par un délire jaloux, une folie qui, elle, ne laisse pas de témoin et pas de victime. Ce frère crée alors de lui-même un mouvement quasi fictionnel dont les réalisateurs se saisissent... Pour hélas revenir ensuite à Issei. Or, faire de l’horreur du frère cannibale l’unique réel objet d’étude est certainement ce qui fait de ce film une "expérience limite" à peu de frais, aux vertiges et aux chocs trop littéraux, dopés aux effets de styles sur-voyants. Et si on peut croire au fait que les réalisateurs aient eu au départ une sincère volonté d’échapper à la complaisance, on ne peut que constater qu’elle n’a pas résisté longtemps à leur dispositif, qui compte sur le spectateur pour faire la mise au point - comme si la monstration était incompatible avec la moralité.
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