Synopsis
Que feriez-vous si, par l’introduction du revenu universel, vous n’aviez plus à vous préoccuper de gagner votre vie ? Serait-ce là l’ouverture à tous les possibles ou au contraire une existence rendue vaine ? Le projet visionnaire d’une démocratie accomplie ou un fourvoiement social-romantique ? Le point d’achèvement de la plus belle des utopies parce que la plus égalitaire ou l’avènement d’une société d’assistés ? Ces interrogations que Benoît Hamon, qui intégra le revenu universel d’existence à son programme électoral, a contribué à populariser en France, sont légitimement l’objet de débats passionnels et de controverses intenses entre économistes et politiques de tous bords. Le réalisateur Christian Tod, dont c’est ici le troisième documentaire et qui s’est entièrement consacré à la défense du revenu universel - d’abord comme économiste, puis comme cinéaste - a choisi là encore d’illustrer l’opportunité d’un pareil projet. Il commence pour ce faire par évoquer une expérimentation en vigueur en Alaska, laquelle est à ce jour la plus connue... parce ce que la seule. Dans cet État, le plus étendu et le moins densément peuplé d’Amérique, la rente pétrolière y alimente depuis 1976 l’Alaska Permanent Fund. Et depuis 1982, celui-ci verse chaque année aux résidents qui ont vécu au moins une année calendaire sur place, et quels que soient leurs revenus, un dividende. En 2017, il s’est ainsi élevé à 1 100 dollars. Ce versement ne remplace pas les autres programmes sociaux mais s’ajoute aux différentes ressources et assure à tous les résidents de l’Alaska les bénéfices - jugés légitimes - de la richesse issue des hydrocarbures. Certes, Christian Tod interviewe bien une famille alaskienne qui jouit de cette manne mais s’exonère curieusement de toute mise en perspective. Quels sont concrètement les effets de ce dispositif sur l’emploi, alors même que son introduction date de 1982 ? Mystère... et grand dommage car nous sommes précisément au coeur même du sujet. Ce manque de rigueur constant dans le traitement d’un sujet aussi ardu, qui réveille des opinions si antagonistes (pourtant jamais ne s’exprime ici le moindre contradicteur), fragilise profondément le documentaire, par ailleurs confus. Son déroulé nous propulse ainsi d’un intervenant américain à un think tank allemand, de la Suisse à la Namibie, de la voiture autonome à un discours de Martin Luther King sans que ces éléments, évidemment liés, ne s’organisent vraiment pour faire sens. En fin de compte, l’objectif, pourtant très ambitieux, de ce film militant qui aurait aimé aider les Européens à comprendre que le récit commun qui fonde la vision actuelle du travail n’est plus adapté à une réalité qui a brutalement changé, est clairement manqué. Que le modèle social ne fonctionne plus car la mécanisation, la numérisation, la mondialisation, la grande mobilité de la population ainsi que des entreprises ont entraîné une atomisation de la société et un effondrement des structures publiques est le constat. Que la réalité économique ne soit pas figée et qu’elle puisse être changée est la perspective. Mais où est le chemin ? Ce travail, pas assez abouti et insuffisamment construit, n’en ouvre aucun, ne parvenant jamais à être un véritable outil de réflexion. Il a toutefois le mérite de faire vivre un débat qui ne fait que s’amorcer.
© LES FICHES DU CINEMA 2018
