Synopsis
Après avoir produit, depuis Nos enfants nous accuseront (2008), les films de son mari Jean-Paul Jaud, Béatrice Camurat Jaud passe derrière la caméra. Sous-titré "La ville où tout se joue", Grande-Synthe est un documentaire à la gloire d’une commune de moins de 25 000 habitants de la périphérie de Dunkerque, une ville qui concentre les grandes problématiques auxquelles l’humanité est confrontée aujourd’hui : la crise migratoire, la pollution industrielle et le chômage (qui touche ici 40 % des jeunes). Après un long travail d’approche, la cinéaste filme les acteurs de la ville, et en premier lieu son maire EÉLV (Europe Écologie Les Verts), Damien Carême, qui devient le narrateur-commentateur de sa ville. La cinéaste a également demandé aux cinq comédiens de la Compagnie des Mers du Nord, animée par Brigitte Mounier, de composer le choeur grec du film et de jouer, si l’on peut dire, les guides touristiques en interprétant des sketches dans des endroits stratégiques, par exemple face à la centrale nucléaire de Gravelines (la plus grosse d’Europe, juste à côté du terminal méthanier, une folie !). Du tourisme certes plutôt militant et citoyen, mais du tourisme tout de même, tant les hauts-fourneaux d’ArcelorMittal, qui n’arrêtent jamais de fonctionner, offrent, la nuit, des reflets des plus photogéniques sur la mer du Nord. La cinéaste visite aussi des lieux associatifs intéressants tels un jardin ouvrier, L’Atelier et surtout la communauté d’Emmaüs où Sylvie Desjonquères raconte avec talent l’aventure de l’abbé Pierre. L’intérêt principal du film réside dans sa palette impressionniste de portraits et de descriptions de pratiques, notamment celles des bénévoles de l’humanitaire, souvent admirables. C’est également sa limite, tant il manque au film une ligne directrice, une analyse, un discours fort, au-delà des commentaires impromptus de Damien Carême. Le spectateur restera sur sa faim s’il souhaite bien comprendre les deux enjeux principaux de la ville (le troisième ne la concernant pas vraiment puisque 83 % des entreprises localisées à Grande-Synthe reçoivent leurs ordres de l’étranger), à savoir l’environnemental et le migratoire. La cinéaste s’attarde trop peu sur le paysage, ne faisant qu’effleurer la forêt urbaine initiée par le père du maire actuel (René Carême fut un grand planteur d’arbres à partir de 1971, pour rendre la banlieue vivable). Si le label "Capitale française de la biodiversité" en 2010 est mentionné, rien sur l’étude CUBA et presque rien sur l’écoquartier et l’association La Forêt qui se mange. Enfin, l’enjeu migratoire est développé de façon confuse. Grande-Synthe étant face à l’Angleterre, des réfugiés s’installent à partir e 2006 dans le camp du Basroch, insalubre. En 2016, Damien Carême, avec MSF, fait ouvrir le camp humanitaire de La Linière pour les transférer dans de meilleures conditions, et le film montre bien le travail des bénévoles du Recho et de SALAM. Avec la fermeture de la "jungle" de Calais toute proche, les réfugiés affluent. La nuit du 10 au 11 avril 2017, une rixe entre Kurdes et Afghans provoque l’incendie du camp et entraîne sa fermeture. La question de l’accueil des réfugiés reste donc posée.
© LES FICHES DU CINEMA 2018