Synopsis
Il n’a jamais su jouer les naïfs, comme traversé, toujours, de cette ironie - voire ce cynisme - qui caractérisaient nombre de ses personnages au cinéma. Robert Mitchum, disparu en 1997 à l’âge de 79 ans (un jour avant James Stewart), reste le visage du croque-mitaine de l’âge d’or d’Hollywood (eu égard notamment au mythique La Nuit du chasseur), celui par qui le malheur arrive. Le comédien, figure incontournable du western, du film de guerre et du film noir, était, aussi, l’incarnation d’un flegme viril qui a hanté l’enfance du photographe Bruce Weber, lequel consacre à Mitchum ce portrait mêlant des témoignages, des séquences de films et des images d’archives des années 1990 au fil d’un montage habile et sensible. Un magnifique hommage en noir et blanc à celui qui ne fut nommé qu’une fois aux Oscars - et pour un second rôle - en 1946. Comme Kirk Douglas, le natif du Connecticut ne gagnera jamais la suprême récompense. Mais à la différence de son rival, il est probable que Mitchum s’en fichait, lui qui s’est toujours considéré comme un imposteur. Je suis comme une vieille pute, je n’ai pas besoin de me préparer. Je me pointe et je m’y mets, confiait-il à propos de son métier d’acteur. Mitchum, le roi de la provocation, à l’écran comme dans la vie. Et, derrière la posture du tombeur, du mauvais garçon et de l’éternel blasé, un époux attentionné et un partenaire de jeu charmant. Amant de nombreuses actrices, il retournait invariablement auprès de Dorothy. Un camarade de prison raconte comment il finança, à sa sortie, les tables qui permettaient aux détenus de poser leurs plateaux-repas. Polly Bergen, avec laquelle il partagea l’affiche des Nerfs à vif, évoque sa rencontre avec Mitchum. Premier contact, première scène. C’est celle du viol. Et l’acteur de se jeter sur elle en la barbouillant d’oeuf gluant. La jeune actrice est terrifiée par ce Max Cady hyper violent. Aussitôt la scène terminée, Mitchum se confondra en excuses. Inquiétant, malgré tout. Les Nerfs à vif, toujours. La scène de l’interrogatoire. Mitchum, qui joue un agresseur sexuel sorti de prison, fait son numéro, torse nu. Gregory Peck, dans le rôle de l’avocat Sam Bowden, détourne le regard. Mitchum s’en rend compte, va trouver Peck et lui demande pourquoi. Parce que j’ai cru que sinon tu allais me sauter, répond ce dernier. L’une des nombreuses anecdotes savoureuses récoltées au fil de ce documentaire et que viennent rythmer des séquences plus récentes dans lesquelles l’acteur, qui n’a rien perdu de son sens de la répartie, dîne avec des amis ou enregistre des chansons jazzy avec Marianne Faithfull et Dr. John. On est envoûté par sa voix grave. C’est élégant et nonchalant, à son image. On a l’impression de le cerner enfin. On aurait tort. Mitchum ne se confie pas, il esquive les questions intimes, se moque gentiment de ses interlocuteurs, les yeux rieurs. Un an avant sa mort, affublé d’une perruque, il s’amusait encore dans le Dead Man de Jim Jarmusch. Sa dernière pirouette.
© LES FICHES DU CINEMA 2019