Synopsis
Sur les hauteurs d’un jardin public, la densité et le calme des arbres apparaissent menacés par un ciel gris : en guise d’introduction, Quand je veux, si je veux ! joue la métaphore. Quelque chose plane en effet sans cesse au-dessus de ce lieu pourtant paisible, décor qui sert d’écrin à une série de confidences de femmes, face caméra. C’est que toutes parlent de leur avortement. Et toutes décrivent encore l’empreinte que l’IVG a laissée en elles - comme un ciel toujours menaçant. Elles racontent la maternité non désirée, l’imprévu, l’étrangeté, les relations sentimentales, les émotions. Elles racontent l’acte lui-même, les jugements, les difficultés, la bienveillance, l’effarement, la douleur et, souvent, la nette opposition d’une société qui a du mal à assimiler la liberté dont les femmes doivent pouvoir disposer. Elles racontent aussi "’après", le besoin de reconstruction, et plus particulièrement le manque d’humanité dans l’accompagnement, lorsque celui-ci a lieu. On ne connaîtra rien d’autre d’elles, si ce n’est leur volonté, aujourd’hui, de partager cette expérience et de faire toute la lumière sur un sujet encore tabou. Guidé par cette neutralité bienveillante et ce désir de transmission, ce film à la réalisation sobre, signé Susana Arbizu, Henri Belin, Nicolas Drouet et Mickaël Foucault, parvient à trouver la juste distance et rend compte avec délicatesse de la pluralité des parcours et des sentiments face à "l’événement", comme l’écrivait Annie Ernaux - un événement toujours vecteur de solitude et d’incompréhension. Mettant toutes ces voix en résonance sans le moindre pathos, Quand je veux ! , si je veux délivre un message qui apparaît d’autant plus pertinent que, actuellement, d’autres voix s’élèvent à nouveau contre l’avortement, à coup de campagnes de désinformation ou de sites "d’écoute" culpabilisants. Les femmes qui témoignent ici ont entre 20 et 35 ans et n’ont pas connu les luttes des années 1970, mais leurs paroles s’inscrivent dans la droite ligne des engagements féministes passés, rappelant que le combat pour le droit des femmes est loin d’être gagné - que quelque chose dans le ciel, toujours, menace. Dans le générique de fin, punk et provocant, les femmes indépendantes et libres sont associées à des sorcières - reprenant le point de vue que Mona Chollet développe dans son essai Sorcières, la puissance invaincue des femmes aux éditions La Découverte. Une pirouette militante qui vient conclure avec malice et énergie ce documentaire sensible et ô combien nécessaire. Seul bémol, toutefois : le recours à des images d’archives éparses, pas toujours identifiées (discours politiques, manifestations du MLF notamment). Si elles évoquent opportunément les laborieuses avancées en matière de droit des femmes - et rappellent avec une dureté solennelle que, en 1920, en France, les femmes souhaitant avorter encouraient des peines de prison -, ces images donnent parfois l’impression regrettable de ne servir que de prétexte pour créer des pauses entre les témoignages. Dommage que la force et la vérité brutes de ces voix - féminines avant d’être féministes - aient ainsi été parasitée par un procédé si artificiel.
© LES FICHES DU CINEMA 2019
