Synopsis
S’inscrivant dans la droite lignée de son travail documentaire engagé et résolument féminin, le nouveau film de la cinéaste Fatima Sissani s’intéresse ici à la guerre d’Algérie à travers les témoignages de trois femmes. Quoi qu’étant d’origines très différentes - l’une est une fille de colons français, l’autre est une algérienne musulmane et la troisième est une algérienne juive - ont pourtant partagé la même cause : celle de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Éveline Safir Lavalette, Zoulikha Bekaddour et Alice Cherki prennent tour à tour la parole pour évoquer leurs souvenirs de la Guerre d’Algérie. Elles commencent par parler du début du conflit, de la manière dont elles ont rejoint la lutte armée. Les trois femmes décrivent les actions qu’elles menaient pour l’indépendance avant d’être arrêtées. Zoulikha parle de la torture avec précision, Éveline en revanche souhaite garder le silence sur le sujet. Puis, elles parlent de leur enfance, de la manière dont elles vivaient au sein de la société coloniale. Toutes s’accordent à dire que les communautés étaient séparées. La rencontre avec des militantes communistes a été décisive dans leur parcours politique, notamment en prison. Par la suite, elles discutent de la période qui a suivi l’indépendance. Éveline, qui est restée en Algérie toute sa vie, critique les pieds noirs qui ont quitté le pays. À l’inverse, Alice a quitté l’Algérie pour poursuivre ses études. Les trois évoquent les défis que devait relever la nation nouvellement indépendante sur le plan politique et économique, que ce soit au niveau des dissensions politiques qui sont nées de l’indépendance ou du développement agricole auquel elles ont participé. Le film se termine par la visite de Zoulikha sur la tombe d’Éveline, dont on apprend le décès pendant le tournage du documentaire. C’est la voix d’Éveline qui clôt le documentaire alors qu’elle lit quelques mots qu’elle avait écrit sur son pays natal. Les anecdotes et les tranches de vies racontées par chacune d’entre elles nous permettent d’appréhender de manière singulière et au plus près chaque épisode du conflit. Se dessine alors une révolution algérienne aux inspirations protéiformes, et dans laquelle les femmes ont joué un rôle déterminant. Si le film peut sembler trop classique dans sa forme - une alternance d’entretiens filmés et d’images d’archives, sans réel effort de mise en scène -, on se laisse finalement guider par la vitalité des témoignages recueillis, qui nous intéressent d’abord pour nous toucher ensuite. On ne peut finalement qu’être sensible au courage de ces femmes qui évoquent leurs souvenirs avec douceur et sensibilité, contrastant ainsi avec la violence de ce qu’elles nous racontent des massacres, emprisonnements et tortures de l’époque. On comprend alors ce que ce film a de nécessaire pour la réalisatrice, qui explore sa propre histoire familiale à travers leur récit. Mais aussi son importance pour l’Histoire, en éclairant d’une nouvelle lumière, celle des femmes. Car il s’agit, pour les histoires algérienne et française, d’un moment charnière, qu’il ne faut cesser de questionner et d’analyser.
© LES FICHES DU CINEMA 2019
Réalisateur