Synopsis
Le 13 décembre 2016, les forces rebelles de l’Armée syrienne libre (composée de près d’une vingtaine de brigades, bataillons ou mouvements indépendants), opposée au régime autoritaire de Bachar el-Assad, capitulent. C’est la fin du siège sanglant d’Alep, deuxième ville de Syrie et ancienne capitale économique du pays, désormais réduite à un sinistre champ de ruines. Les insurgés sont évacués, dans le cadre d’un accord, entre le 15 et le 22 décembre. Waad al-Kateab en faisait partie : enceinte, elle est exilée aux côtés de son mari Hamza, médecin, et de leur fille Sama, alors âgée de 11 mois. Sama, née en janvier 2016, n’aura connu du pays de ses parents que la guerre civile et les bombardements. Lorsque les manifestations contre le pouvoir s’organisent en 2011, Waad est étudiante en économie. Hamza, son meilleur ami, étudie la médecine. Ils s’engagent dans ces mouvements de protestation : leur génération croit que le Printemps Arabe peut prendre en Syrie, et qu’Assad peut être chassé. Le 19 juillet 2012 débute officiellement la bataille d’Alep. Hamza décide de rester en ville pour aider dans les hôpitaux : cela lui coûtera son premier mariage, sa femme de l’époque préférant quitter le pays tant qu’il est encore temps. Waad est restée, elle, contre l’avis de sa famille, inquiète. Tous deux font partie de ceux qui ont résisté jusqu’au bout, pendant quatre longues années, lorsque la ville était enclavée et bombardée quotidiennement. Hamza, médecin, et Waad, aide-soignante, sont tombés amoureux. Ils se sont mariés. Avec quelques amis animés du même désir de résistance et de la même croyance en un avenir meilleur pour leur pays, ils ont fondé un hôpital de fortune pour soigner les (trop nombreux) blessés lorsque les hôpitaux d’Alep ont fermé. Conçu comme une lettre d’amour à sa fille, For Sama est un témoignage "embedded" souvent insoutenable et psychologiquement épuisant, sur l’horreur "ordinaire" d’une guerre civile. Ordinaire car quotidienne, dépersonnalisée, résultant d’une violence aveugle. Les bombes ont des nationalités (syrienne, russe) mais el-Assad incarne seul le visage de la répression. Constamment avec sa caméra, al-Kateab filme sa vie autant qu’elle le peut : les siestes de sa fille interrompues par les alertes aériennes, les victimes et les survivants des bombardements, le travail de Hamza et de ses collègues. Elle capte la colère, l’indignation, l’impuissance de ses pairs. Les images qu’elle capte font l’objet, en janvier 2016, d’une série de reportages diffusée par Channel 44 au Royaume-Uni (et toujours disponible en ligne) : ce fut, pour le reste du monde, l’une des rares occasions de constater l’ampleur de la crise humanitaire dans la zone de guerre syrienne... pour s’émouvoir et ne pas agir. Loin de toute rancoeur, al-Kateab, assistée d’Edward Watts, livre à sa fille un témoignage éminemment intime - "N’oublie pas d’où tu viens et voilà ce pour quoi tes parents se sont battus, à leur façon" - mais également un document précieux par sa portée historique comme artistique. Un film empreint d’une émotion profonde et sincère, qui prend à la gorge mais se révèle chargé d’espoir et tourné vers l’avenir.
© LES FICHES DU CINEMA 2019
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