Synopsis
A l'origine, "La Véritable Histoire d'Artaud le Mômo" constitue une sorte de travail préparatoire au film de fiction, "En compagnie d'Antonin Artaud". Le documentaire réunit tous ceux qui furent dans l'entourage du poète, de son retour à Paris en mai 1946 jusqu'à sa mort moins de deux ans plus tard. "Réunir" n'est pas le mot juste puisque ces témoins n'ont pas été conviés ensemble, chacun a été interrogé séparément. Grâce au montage, ils semblent se répondre, se compléter, se contredire. Des visites rendues à Artaud dans l'asile de Rodez par Marthe Robert (qui, avec Adamov, l'en fera sortir), par Henri Thomas ("un petit couvent loqueteux", dit celui-ci, "où il vivait avec des bergers fous") jusqu'à son enterrement, où Robert Gheerbrant a cru le reconnaître juché en haut du corbillard conduisant son propre cercueil, ce n'est pas à une simple évocation que l'on assiste, mais à une manière de résurrection. Paule Thévenin, responsable de l'édition des oeuvres complètes, constate qu'il n'y a pas de témoin qui ne soit un faux-témoin. (Ne serait-ce parce que tous aujourd'hui, hormis sa fille qui avait quatre ans à l'époque et qui intervient dans le film, sont plus vieux qu'Artaud). Il n'empêche que "le volcan en éruption" qu'a suivi Jacques Prevel, a laissé sur Rolande Prevel et Jany de Ruye, sa femme et sa maîtresse, des brûlures encore sensibles. Et si Paule Thévenin dit qu'Artaud ne faisait pas de victime, qu'il n'avait pas de pouvoir maléfique, si Henri Thomas remarque que la poésie de Prevel se distinguant nettement de celle d'Artaud est une preuve de force chez lui, nous les croyons aussi. Car, à l'évidence, chaque témoignage rend de plus en plus tangible la présence invisible du Mômo (l'enfant, dans le patois marseillais). Plus tangible mais pas moins énigmatique. Seul, peut-être, le poème splendide offert à Antonin Artaud par Henri Pichette, que l'auteur lit lui-même d'une façon étonnante, approche-t-il l'indicible.
Copyright, 1995 CMC/Les Fiches du Cinéma