Synopsis
Et si la Wehrmacht n'était pas l'armée "propre" que l'on a toujours dit ? Si ses officiers et soldats avaient commis des crimes aussi horribles que ceux perpétrés par les S.S. et la Gestapo ? C'est ce que montre l'exposition itinérante sur les crimes de la Wehrmacht pendant la seconde guerre mondiale présentée dans plusieurs villes allemandes et autrichiennes. Cette exposition dévoile un tabou de la société autrichienne qui s'est constituée en tant qu'Etat en se définissant comme "première victime des nazis", permettant ainsi aux anciens soldats de se forger une image de soldats "propres". En remettant en cause cette image, l'exposition a suscité de nombreuses réactions. Ruth Beckermann a choisi de les filmer. Dans le cadre même de l'exposition à Vienne, une ancienne laiterie - un espace entièrement blanc rendu plus froid encore par l'éclairage des néons - elle interroge d'anciens soldats. Les réactions sont des plus diverses. Beaucoup disent n'avoir rien vu. Tous nient avoir participé aux exactions commises, ou alors "parce que c'étaient les ordres". Certains se souviennent et "craquent" devant la caméra : pour la première fois, ils brisent le tabou et parlent de cette époque. Chez les plus jeunes, on se tait, pendant que d'autres crient au scandale, refusant d'admettre que leur père, grand-père ou oncle, soient des criminels.Il existe une pléthore de films sur les horreurs de la seconde guerre mondiale, mais pour la première fois peut-être, un réalisateur ne présente pas les choses comme appartenant à un passé révolu et interroge les vivants, les anciens soldats. Le prétexte de l'exposition est le contexte idéal pour amener le souvenir, la réflexion, et il est dommage que R. Beckermann ne nous en fasse pas profiter. En effet, rien ne nous en est montré afin de concentrer tout l'intérêt sur les témoignages. Le tournage s'est déroulé sur plusieurs jours et a permis l'évolution du rapport entre la cinéaste et son sujet. Au début, elle filme et interroge les personnes pendant qu'ils regardent. Puis, elle aménage un recoin avec une table et des chaises, créant ainsi un espace plus propice aux confidences. Là, la dénégation se fait souvent moins virulente et la sincérité plus grande. Dommage (surtout pour un tel sujet) que la longueur du film émousse quelque peu notre intérêt. La force du documentaire repose non sur la volonté de dénoncer mais sur le désir d'interroger des personnes qui n'étaient ni des monstres, ni des fous, mais des gens simplement normaux qui parfois, semblent réellement sincères lorsqu'ils disent n'avoir rien vu, comme si le conditionnement était tel qu'ils n'avaient pas "compris" ce qu'ils voyaient. Et de nous renvoyer à notre conscience : et nous, qu'aurions nous fait ? Interrogation d'autant plus cruciale à l'heure où l'Autriche semble justement retourner vers ses vieux démons.
© LES FICHES DU CINEMA - 2000
