Synopsis
Etrange proposition que cet essai documentaire réalisé par un certain Charles de Meaux au Pamir, région nord de l'ancienne république soviétique du Tadjikistan écartelée entre Russes et Afghans.Intention annoncée : tel un opérateur Lumière du début du siècle, ramener des images d'une terre vierge, déflorer un espace-temps "dont on n'a pas d'images". Convaincant, contagieux, ce désir d'images est malheureusement aussitôt frustré. Charles de Meaux ne veut pas faire un documentaire traditionnel et infiltre, en abîme, de la fiction, avec l'histoire d'un journaliste radio parisien (Thibault de Montalembert) préparant une émission sur le Pamir ! Le jeune journaliste reçoit Ogonozar Aknazarov, botaniste pamiri qui vient en France pour la première fois de sa vie. Si la confrontation de ces deux personnages aux antipodes est une belle idée, si l'on est bien content que le film ait offert à Aknazarov l'opportunité de venir chez nous, la mise en scène esthétisante, en quête de sens, paraît bien complaisante et le spectateur fulmine d'être son otage. Pourquoi le punit-on ainsi en l'obligeant à écouter le jeune journaliste réciter d'une voix monocorde le chapitre "Pamir" de l'encyclopédia Universalis ? Pourquoi ne lui permet-on pas d'écouter et d'observer tranquillement le vieux Pamiri ? Longs plans du studio d'enregistrement désert, de son horloge avec son aiguille qui égrène le temps, seconde après seconde. Le réalisateur a beau affirmer dans le dossier de presse que "le sujet du film n'est précisément pas l'histoire d'un jeune parisien qui va faire l'aventurier", il ne parvient pas à dépasser celui d'un jeune parisien qui cherche à exister avec un film d'auteur, un peu expérimental, un peu vidéo-art, un peu philosophique.Attachant par moments, agaçant bien souvent, ce film intrigue cependant. Patience, les meilleurs moments ne surviennent que tardivement, quand Charles de Meaux se contente de filmer simplement le Pamir et les Pamiris, de laisser respirer son sujet. Avec sa petite caméra Hi-8, il nous offre même alors quelques beaux passages nous invitant enfin à rejoindre les plaines tadjiks, leur poussière, leur soleil écrasant. Des scènes intéressantes attendent le spectateur patient ; une femme médecin au très beau visage expliquant pourquoi elle ne travaille pas, un groupe d'enfants jouant à aller à l'école... On aurait quand même préféré voir Tadrart sortir le film du tadjik Djamshed Usmanov Le Vol de l'abeille, présenté au festival "Premiers Plans" d'Angers 99, une fiction inspirée et délicatement mise en scène, une invitation cinématographique autrement plus conviviale.
© LES FICHES DU CINEMA - 2000
