Synopsis
Rémi Lange s'aime, c'est une évidence. Il nous l'avait bien montré avec son premier long métrage (Omelette, 1998), qui consistait à filmer les réactions de sa famille, ébahie face au "coming out" du rejeton. Passé le rejet pur et simple que nous inspirait ce déballage de voyeurisme auto-complaisant, Omelette réservait pourtant quelques surprises. Les révélations de sa mère, notamment, qui "cueillaient" Rémi. Et une étonnante (et impudique, cela va sans dire) sincérité. Mais de là à nous infliger la platitude d'un quotidien qui n'a d'intérêt que pour lui-même et les quelques personnes qui l'entourent, il y a une limite que cet apprenti scénariste, réalisateur et producteur a bien franchi. Décidément il s'aime donc tant que ça ? Il faut bien le croire. Mais plutôt dans le genre Echo que Narcisse. S'il est vrai que son image n'apparaît jamais à l'écran, au profit de celle de ses différents compagnons (amoureux et/ou amants), il nous assomme avec une voix-off, la sienne bien sûr. C'est son histoire, c'est à lui de la lire, avec cette voix dont la rapidité n'a d'égal que la lenteur du film. Car une heure vingt-cinq à supporter les facéties de Rémi Lange, c'est long ! Il a beau être persuadé de la pertinence, voire du brio de son entreprise, le spectateur reste pourtant dubitatif : filmer son journal intime, renfermant les secrets de ses nouvelles et anciennes amours et s'y complaire sans vrai recul et en Super-8, de surcroît, et ce pendant toute la durée d'un long métrage, il fallait oser ! Car pour penser retenir l'attention du spectateur (souvent agacé par tant de mièvreries) sur lui, lui-même et encore lui, il faut être sacrément sûr de soi. D'autant que la vie, les rêves, les difficultés, les réflexions, les rencontres, les "engueulades", les bonheurs de Rémi Lange sont bien les mêmes que les miens ou que les vôtres. Et, une fois encore, il est difficile de réfréner une colère épidermique contre ce prétendu "auteur" qui se livre à un exhibitionnisme légèrement intellectualisant. Et pourtant, Les Yeux brouillés est un document étonnant ! Evidemment sans ambitions formelles, désespérément égocentrique, mais loin d'être inintéressant. Une vraie étude de moeurs ! Toujours débordant de sincérité, R. Lange s'appuie maintenant sur un langage cinématographique plus construit (notamment grâce à un montage adroit). Plus roublard, certainement aussi... et donc plus proche d'un vrai travail cinématographique ! Il serait quand même temps qu'il passe à la fiction et vive sa vie privée sans nous l'imposer !
© LES FICHES DU CINEMA - 2000
