Synopsis
C'est l'histoire d'un petit village, Vattetot (350 habitants), en cet été 1999, celui de l'éclipse totale de soleil. La télé, les journaux l'ont dit : c'est là, dans le Pays de Caux, qu'on la verra le mieux. Alors, on s'y prépare. Le conseil municipal a fort à faire avec la distribution des lunettes de protection et l'aménagement de parkings ou campements. C'est que, pour ce 11 août, il y aura plein de monde, venu de partout. Mais les vies continuent. Celle de Louis Lefebvre, Gitane-maïs rivée aux lèvres, qui connaît le temps et les lunes mieux que ses poches, et produit les plus beaux des légumes ; c'est au milieu de ses salades que Georges Peltier plantera son télescope. Celle des Lethuillier. Albertine, la grand-mère est toujours vaillante. La ferme s'est modernisée, mais avec sa fille Françoise elle fabrique toujours le beurre comme jadis (pour combien de temps encore, avec le délire hygiéniste actuel de nos "décideurs" ?). L'exploitation continuera : Francis, 33 ans, a déjà pris la suite de ses parents. La situation est moins rose chez les Olivier : fermiers, ils n'ont "que" quarante hectares. Leur fille est devenue enseignante, et les aide chaque été. Il rit souvent, Philippe Olivier, mais dissimule mal une certaine tristesse : qu'y aura-t-il après lui, après son épouse qui regrette presque sa vie ? Il y a aussi Pierre Désert, paysan retraité, et son sacro-saint pluviomètre. Et d'autres encore...C'est très rare de trouver le ton juste pour peindre le monde paysan. Ariane Doublet filme, simplement, mais avec une belle maîtrise. Elle est, à l'évidence, en complète sympathie avec ces gens qu'elle connaît si bien, et cette terre de la Normandie calcaire où les vaches imposent leur rythme paisible. Comme le Farrebique de G. Rouquier (non, la comparaison n'est pas écrasante !), ses Terriens ont une portée bien plus vaste que régionale. Ces pudeurs, ce rapport à la terre, ces lassitudes, ce si profond et injuste sentiment d'être "arriérés", je les entend si souvent sur le granit auvergnat ! Et ailleurs, on les entendrait aussi. Seuls les accents diffèrent. C'est la grande réussite d' A. Doublet d'avoir fait dire ces choses très simples et difficiles à la fois, à des gens qui n'aiment guère "causer" d'eux et d'un monde que nous sommes, stupidement, en train d'achever. Quelle belle idée d'avoir utilisé l'éclipse (joliment filmée) pour cette fine mise en rapport du temps court (le si fugace événement) avec la longue durée des gestes, des savoirs, des mentalités. Quoi de plus vrai, par exemple, que les remarques de P. Olivier sur la lourde démarche des paysans, ou les "leçons" de météo de L. Lefebvre ? "En Normandie, on n'a pas de temps sec" dit-il : on s'en rend compte lors du méchoui communal ! Un vrai déluge, 18 mm. chez P. Désert ! Le ton juste, on vous dit, si rare...
© LES FICHES DU CINEMA - 2000
