Synopsis
Le punk des Balkans est de ces musiques frénétiques et irrésistibles. Kusturica, le cinéaste prodige de l'ex-Yougoslavie, réalisateur de Papa est en voyage d'affaire, Le Temps des Gitans, Arizona Dream ou Underground a fait découvrir et aimer cette musique atypique dite "Unza Unza", propre à la culture balkanique, où l'on remarque des influences arabe, turque, russe, grecque, espagnole, allemande, italienne ou indienne. Aussi, quand en 1980 est né le groupe "No Smoking" c'était pour inventer, à Sarajevo, une expression punk anarchiste. L'arrivée de Kusturica comme bassiste/guitariste en 1986 a fait évoluer le style vers un mélange atypique de rythmiques country, d'improvisations rock ou de fanfares tsiganes. Les "No Smoking" ont effectué une tournée triomphale en Europe de l'Ouest en l'an 2000. Dans ce documentaire ludique et insolent, le brillant réalisateur nous fait découvrir chaque membre du groupe, des extraits de leur spectacle, le tournage d'un clip... on assiste à la vie de tournée de ces hommes : les loges avant les concerts, la route, les clashs entre musiciens, les voyages en bus et les nuits de beuverie.Toutes ces images s'alternent sans cesse. L'occasion de découvrir Belgrade, ravagée par la guerre et les cafés où jouent les Gitans, les caves où l'on joue du rock. S'y mêlent des moments sans importance, des archives privées, des films de famille... pour donner un film riche d'une énergie délirante un tantinet racoleuse avec des musiciens sans prétention (mais ont-ils les moyens de l'être ?), "bande de jeunes" sur le retour. Petit à petit, chacun révèle son visage, dévoile un pan de sa personnalité. Grâce à l'habileté du maître d'oeuvre on s'attache aux protagonistes. Les moments musicaux ne sont pas des scènes d'anthologie, mais on savoure les ratés du tournage d'un clip dans un train et les séances photos farfelues. Tourné en Super 8, avec des bribes en noir et blanc, c'est un phénomène sociologique qui voit le jour : à travers l'histoire personnelle de ces musiciens élevés au niveau de groupe culte en Yougoslavie, le portrait tragi-comique d'une terre en déshérence, à l'avenir incertain. Leur frénésie traduit une envie de vivre à tout prix, le plus possible, n'importe comment, mais vivre. Après les horreurs de la guerre et tant de haine, un foisonnement nécessaire du quotidien quand aucun avenir n'est envisagé. C'est l'identité de ce groupe... et du cinéma de l'auteur : sans lendemain, vivre le présent pour oublier le non-sens du passé. Il fourmille ce présent, intense et irraisonné. Comme ce documentaire.
© LES FICHES DU CINEMA 2001