Synopsis
"Un acte sexuel contre-nature entre des personnes de sexe masculin ou entre des êtres humains et des animaux est punissable d'emprisonnement ; la perte des droits civils peut aussi être imposée." Ce texte est entré en vigueur en 1871 dans le Reich de Bismarck. C'est dire que les nazis n'ont pas eu besoin de mettre en place un appareil législatif spécifique, même si son application était tombée en désuétude dans le Berlin des Années folles. Mais le film nous rappelle en outre que dans le régime démocratique de la RFA, de nombreux homosexuels ont été poursuivis sur la base de ce même texte aboli seulement en 1968 (RDA) et 69 (RFA) : certains entretiens de ce film, tel celui de Heinz Dörmer, nous le montrent. Les réalisateurs, Jeffrey Friedman et Rob Epstein avaient déjà produits The Celluloid Closet qui retrace l'évolution des rôles d'homosexuels depuis cent ans dans les films hollywoodiens. C'est à cette occasion qu'ils firent la connaissance du professeur Klaus Müller, responsable du projet européen de Musée de l'Holocauste qui leur proposa de collaborer à son entreprise de faire connaître ce chapitre peu connu de l'histoire du Troisième Reich qui a pourtant fait de nombreuses victimes : cent mille arrestations, dix mille déportés, dont quatre mille à peine survécurent. Mais l'histoire des porteurs du triangle rose a été le plus souvent occultée par les intéressés eux-mêmes. Les auteurs ont donc eu le plus grand mal à trouver des témoignages : faible nombre des survivants et réticences à témoigner. C'est ainsi que le film s'ouvre sur des images de voyage en train vers un témoin qui a finalement refusé de parler. L'essentiel du film est constitué par cinq entretiens avec d'anciens déportés, plus le témoignage d'une femme, juive, dont la famille a été exterminée mais qui a pu gagner l'Angleterre grâce à l'aide de son amie. Chaque témoignage émeut par sa spécificité et par la personnalité du témoin : par exemple, celui de Pierre Seel, Alsacien-Lorrain, arrêté sur la base des "listes roses" établies par la police française, déporté puis intégré de force dans l'armée allemande, et qui a, l'un des premiers, brisé le silence dans son livre
Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel. Ou bien encore le récit de Gad Beck, qui réunissait toutes les conditions pour être déporté, comme il le dit lui-même, en étant à la fois juif, homosexuel et socialiste. La rencontre avec ces vies et l'occasion de réfléchir sans simplisme sur la question des rapports de l'homosexualité au nazisme font le prix de ce documentaire.
© LES FICHES DU CINEMA 2001