Synopsis
Manoel De Oliveira occupe une place particulière dans le cinéma européen... On gardera longtemps en mémoire le génial Voyage au début du monde, dernier film de M. Mastroianni. Mais M. De Oliveira c'est aussi La Lettre, La Divine comédie ou Le Val Abraham... Une filmographie riche et forcément inégale où le pire le dispute au meilleur. Quelques semaines avant ce Porto de mon enfance sortait Je rentre à la maison ! Ici, tout son art s'attache à une superbe évocation du passé. Le film s'ouvre sur ce chef d'orchestre qui dirige la mélodie, contrôle le rythme, maître de l'oeuvre et du temps, divin architecte de l'irréversible. Les vagues s'épuisent sur les rochers. Apparaissent les pierres muettes de sa maison de naissance, photo d'une ruine aujourd'hui disparue. S'élève alors une mélodie, tel un leitmotiv qui convoquerait les effluves inertes du passé afin de l'animer,qu'une voix éraillée fredonne, vieille chanson populaire sur ceux qui sont partis, chanson de grand-mère,chanson de nourrice, prime chanson de l'enfance. Moments volés à la mémoire qui s'égrènent à l'écran, cette loge familiale au théâtre et, dans cette reconstitution, le merveilleux cadeau d'un face-à-face entre Maria De Medeiros et De Oliveira soi-même, toujours vert malgré son grand âge. Lui qui voulait être tailleur de pierre rend la vie à ces rues d'autrefois. Des images d'archives qui révèlent cet alors : un incroyable monte-en-l'air qui, sans équipement aucun, escalade la tour d'une cathédrale, des expositions au Palais de Cristal (exposition de fleurs que visita Pessoa, promenade où baguenaudaient les élégantes, exposition de voitures en 1922). C'est aussi son entrée dans l'adolescence et l'amour pour la belle Ghilermina. Sa madeleine à lui, proustien cinéaste, c'est une pâtisserie désormais disparue où, enfant, il prenait le chocolat avec ses parents, et où, adolescent, il écoutait les hommes raconter leurs conquêtes. Puis le jeune homme entreprit de courir les bals. Les anecdotes trouvent une place savoureuse dans cette ballade sur le temps :le café du Majestic où il écrivit le découpage d'un film qui ne fut jamais tourné car il y montrait des ouvriers au travail, l'installation de la dictature, le montage de son premier film, à même le négatif, sur une table de billard, dans une cabane du jardin de ses parents. Et bien sûr, encore et toujours, des images de Porto, d'hier et d'aujourd'hui... et cette chanson populaire qui revient sans cesse nous bercer comme elle hante toujours l'artiste. De toutes ces émotions brutes reste un magnifique moment de cinéma.|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2002