Synopsis
Depuis les années 70, Denis Gheerbrant a partagé son temps entre la photographie et le cinéma. Collaborateur de J-P. Denis, chef opérateur de René Allio ou Jean-Pierre Limosin, il a pour sa part signé de nombreux documentaires. C'est à l'occasion du "Mois du documentaire" et de la sortie de son dernier film (Le Voyage à la mer) qu'est enfin distribué cet inédit de 1991. Seul et caméra à l'épaule, en France et en Suisse, D. Gheerbrant a pris un an pour rencontrer et écouter des femmes et des hommes, plus ou moins jeunes, actifs ou non, acteurs d'une classe ouvrière condamnée, cette France qui n'était pas encore stigmatisée comme "d'en bas". À plusieurs reprises il les a laissés parler de leurs souvenirs, de leurs espoirs, de leurs peines, de leur vie tout simplement. Des histoires dans lesquelles celles des parents et des enfants se croisent, laissant une place légitime au rôle de la transmission dans la construction de chacun. Mais si les mots expriment à eux seuls le propos du film, la caméra a aussi son importance. Elle quitte parfois ses sujets pour nous faire connaître un intérieur, un paysage, autant de sources d'informations supplémentaires sur leurs vies et leur manière d'apprécier la vie. Souvent d'ailleurs avec beaucoup de simplicité et de justesse, sans jamais sombrer dans l'apitoiement. Comme ces rêves du jeune marseillais d'origine tunisienne qui espère uniquement trouver un travail, se marier et acheter une maison. Pour le couple d'ouvriers retraités, le bonheur a été de surmonter les difficultés de la vie et de partager du temps avec leurs enfants. Quant à Marcel, né dans l'usine où il a toujours travaillé, ses meilleurs souvenirs sont ceux de solidarité, de moments partagés entre salariés ou en famille. Il y a aussi Daniel qui raconte son enfance chaotique, la drogue, sa séropositivité, mais qui s'en est sorti parce que "si on est confiné dans certains rôles, dans une certaine échelle sociale, [...] chacun peut avoir une chance de faire quelque chose [de sa vie]". Des mots et des images, mais aussi des regards interrogatifs et hésitants, ou, comme celui de la sage-femme Janine, dirigés vers le sol en évoquant son passé, puis vers la caméra quand elle parle du présent et de son plaisir quotidien de sentir la vie battre entre ses mains. Dans ces portraits, et tous les autres qui émaillent ce documentaire, la vie est donc présente à chaque instant, dans les bonheurs et les peines qui la font, les possibilités qu'elle offre, les combats qu'elle nécessite, les doutes... Un film qui devrait permettre à Romain, le fils du réalisateur à qui est dédié Et la vie, de construire la sienne. En espérant qu'il ne soit pas le seul à s'en servir.
© LES FICHES DU CINEMA 2002
Réalisateur