Synopsis
Bernard est instituteur en retraite, sa femme Violette aide-soignante. Ils travaillent, vivent leur vie de famille, et pratiquent l'échangisme. Cathy est célibataire, journaliste, secrétaire générale d'un théâtre, sportive, et habituée des boîtes à partouze. Julien et Sophie habitent un pavillon de banlieue avec leurs trois enfants. Tous les deux ont ouvertement des relations extra-conjugales. Daniel et Karine sont handicapés, amoureux, et ont une sexualité aussi épanouie que leur condition physique le leur permet. À la fois direct et sans point de vue clair, Et si on parlait d'amour... est un film qui peut agresser et susciter le rejet. Au-delà de ses côtés pornographiques, on pourra lui reprocher ses parentés avec la sociologie-spectacle des shows télé : le ton doucereux, paternaliste et souvent agaçant de Karlin peut d'ailleurs favoriser l'amalgame. Par ailleurs, si l'on considère le film comme une apologie du libertinage, on notera vite des failles dans la démonstration (le fait notamment que les femmes qu'il montre sont souvent "sous influence"). Mais ce serait essayer d'enfermer le film dans des cadres trop simples. Or la démarche de Karlin consiste justement à lober les jugements carrés et restituer la juste ambiguïté des faits. Ceux qu'il filme ne sont ni à plaindre ni à envier, juste à comprendre, et ce qu'ils font n'est ni bien ni mal : c'est juste ce qu'ils croient bon pour eux. Karlin ne nous présente pas la dernière sexualité à la mode (le libertinage mondain genre Catherine M. est soigneusement écarté : hors sujet), mais juste quelques tentatives individuelles pour bien vivre la sexualité. Les pratiques présentées ne sont jamais "anoblies" par un discours moral ou intellectuel. Elles ne sont données que pour ce qu'elles sont : des solutions, qui valent ce qu'elles valent, pour résoudre des problèmes (concilier ses désirs et sa vie de couple, avoir une sexualité sans s'impliquer émotionnellement, accorder l'envie au possible, etc.). Des solutions pour éviter le refoulement, et ses effets destructeurs. Et si le film délivre un message, il relève moins de la doctrine révolutionnaire ("jouissez sans entrave") que de la sagesse populaire ("y'a pas de mal à se faire du bien"). Karlin pose souvent la question : ces gens sont-ils modernes ? Et comme il le sont tout en ne l'étant pas sur bien des points, il montre que le problème ne se pose plus en ces termes. Le vrai propos de Et si on parlait d'amour... est donc peut-être de montrer le troisième temps de l'évolution des moeurs en matière de sexualité. Après la thèse (condamnation, refoulement), et l'antithèse (libération, idéalisation), la synthèse (chacun pioche dans les deux formules pour trouver son propre équilibre). Le film de Karlin et ce qu'il montre sont sans aucun doute discutables, mais le grand mérite de Et si on parlait d'amour... est justement d'avoir été conçu pour donner matière à discuter et non à juger.
© LES FICHES DU CINEMA 2002