Synopsis
Les termes "symbole", "légende vivante" et autres sont devenus un peu galvaudés, à force d'avoir été abusivement utilisés pour la moindre demi-star de la grande époque hollywoodienne. Mais comment qualifier autrement Robert Evans, ancien "homme le plus puissant d'Hollywood", mythique producteur de
Chinatown et
Marathon man, chef de la Paramount lors de la conception de
Rosemary's baby,
Love Story ou
Le Parrain. Le producteur play-boy de la légende, ancien jeune premier raté devenu meilleur parti de la ville et emblème du cinéma américain exigeant mais rentable des glorieuses seventies. Célèbre mari, bafoué aussi, de la belle Ali McGraw, qui le quitta pour la plus grande star masculine de l'époque, Steve McQueen. D'ailleurs, la trahison de l'actrice occupe une bonne partie du film, prouvant que la passion d'Evans était réelle, et que les années n'ont pas vraiment atténué la douleur. Car ce film est une sorte d'autobiographie. Pourtant, il s'agit bien d'un documentaire réalisé par Brett Morgen et Nanette Burstein. Mais les deux cinéastes, adaptant le livre (cette fois clairement autobiographique) d'Evans, choisissent de donner la parole à leur sujet. Ce dernier est donc le conteur, la seule voix entendue, et son point de vue est le seul proposé. Il apparaît comme un homme âgé faisant défiler de vieilles photos de sa vie, tout en les commentant. C'est d'ailleurs bien de cela qu'il s'agit. Morgen et Burstein retravaillent des clichés d'époque, des interviews, des travellings dans la fameuse demeure du producteur, pour donner une texture s'apparentant moins à un film qu'à un écrin de luxe pour Evans et ses souvenirs. Car il est partout, et son imposante voix est la star de l'oeuvre. D'ailleurs, Evans ne se contente pas de la sienne : il imite aussi les autres personnages qu'il évoque en faisant revivre à lui seul le défilé de stars qui jalonna sa célèbre carrière. Le résultat est un long métrage proprement jouissif, et une ode aux talents de conteur d'Evans. Bien entendu, l'extrême subjectivité du parti pris gêne par moments. L'envie d'en savoir plus, de changer de point de vue, ou de rentrer dans les détails, se manifeste par instants. Mais
The Kid stays in the picture reste néanmoins un pur film de plaisir, dédié au seul Evans, à son humour et à sa manière unique de transformer sa propre vie en mythe du cinéma américain. Les célébrités, tels Sinatra ou Nicholson, ne font que de la figuration, et les échecs de producteur d'Evans, hormis
Cotton Club (une débâcle qui tourna au fait divers), ne sont guère évoqués. Il n'y a alors plus que lui : la légende, dont le plus bel exploit est sans doute de n'être ni mort ni brûlé, mais simplement encore là.
© LES FICHES DU CINEMA 2005