Synopsis
C'est parce qu'il a travaillé durant la fin des années 80 avec le journaliste du "Monde" Daniel Schneidermann que Pierre Carles a pu, selon lui, assister à l'évolution de son confrère. Critique aux dents acérées, Schneidermann signait des chroniques mordantes consacrées à la télévision avant d'écrire un livre qu'il défendit avec audace à "Apostrophes", face à un Serge July presque consterné. L'extrait est d'autant plus judicieux que Schneidermann y accusait le directeur de "Libération" d'avoir su brillamment retourner sa veste. Aujourd'hui, c'est Carles qui accuse Schneidermann d'en avoir fait autant ! Il revient sur la polémique née entre Schneidermann et le sociologue Pierre Bourdieu (sujet du réalisateur dans son précédent documentaire : La Sociologie est un sport de combat). Reçu à "Arrêt sur images" (l'émission hebdomadaire de Schneidermann, sur France 5), Bourdieu s'était plaint de n'avoir pu exprimer pleinement ses analyses, interrompu par des "sociétaires" de la télévision (on se rappellera de J-M. Cavada encensant le doigt de Bourdieu !). Carles veut prouver que la télé est incapable de s'autocritiquer. Et le sera tant que les penseurs ne pourront développer leurs idées sereinement. Noam Chomsky, linguiste américain, ou Serge Halimi, l'auteur des "Nouveaux chiens de garde", expliquent qu'une idée minoritaire devrait, pour avoir une chance d'être entendue (et à plus forte raison comprise), pouvoir être exprimée librement sans opposition systématique. Carles prouve, au passage, que les invités ne bénéficient pas du même traitement selon leur rang social. C'est ainsi que Schneidermann (dont l'émission se prétend critique face à la télévision) refuse d'inviter Bourdieu sans l'opposer systématiquement à des contradicteurs très médiatiques, mais reçoit J-M. Messier seul, et se révèle face à lui doux comme un agneau ! Images d'archives, coulisses et appels enregistrés, Carles sait argumenter en faisant appel à son sens de la dérision et de l'humour corrosif. Tout en passant un excellent moment, le spectateur se demande pourquoi s'acharner ainsi sur le journaliste (Carles va jusqu'à inviter son confrère chez un psychanalyste !). Or justement, la démarche du réalisateur devient le sujet principal du film (c'est lui qui se rend sur le divan) : venge-t-il Bourdieu ? Est-il jaloux de la capacité d'adaptation de son collègue ? Carles reconnaît même, in fine, que l'amertume a peut-être inspiré sa démarche. Ce qui ne fait qu'ajouter à la sincérité (même roublarde) de son propos et à la pertinence de ses analyses.|#|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2002
