Synopsis
Robert Capa disait "Si tes photos ne sont pas assez bonnes c'est que tu n'étais pas assez près". Voilà un reproche que n'a jamais encouru le grand photo-reporter James Nachtwey. Près, il l'a toujours été. Au point d'avoir frôlé la mort plusieurs fois tout au long de ses vingt ans de carrière. Le cinéaste suisse Christian Frei rend hommage à ce parcours dans un film composé de reportages, de commentaires d'amis ou de collègues et d'entretiens avec Nachtwey lui-même. Durant deux ans, Christian Frei a suivi Nachtwey, à deux pas derrière, sur tous les théâtres de guerre, de famines ou de génocides, du Kosovo au Rwanda, de l'Indonésie à la Palestine. Grâce à une mini caméra fixée sur l'appareil du photographe, le spectateur est alternativement dans l'oeil du photographe et collé à lui, l'observant opérer avec une précision et un calme étonnant au milieu de la violence ou de l'horreur dont il porte témoignage. Né en 1948 au Massachusetts, Nachtwey, marqué par les images de la guerre du Vietnam, débute en 1976 à New York comme photographe de presse, après des études d'art et de sciences politiques et plusieurs années de petits boulots pendant lesquelles il s'est formé seul à la photo. Christiane Breustedt, rédactrice en chef de "Geo Season", son amie d'alors, le décrit comme courageux, plaçant son métier au-dessus de tout. On sent dans le regard de cette jolie femme, le regret de n'avoir pu retenir Nachtwey. Courageux, solitaire, méticuleux, timide, en tout cas taciturne, et immensément talentueux : tous ceux qui l'ont approché dressent le même portrait. Au point que le film frise par moments l'hagiographie. Il y échappe grâce aux prises sur le vif, aux magnifiques photos de Nachtwey et à ses paroles, certes économes, mais qui reflètent une intense humanité. À mille lieues de l'image du baroudeur grande gueule, souvent accolée à ses pairs, cet homme, au visage superbe (qui a sans doute vu en vingt ans plus d'horreurs qu'un être humain peut le supporter), a acquis, au fil du temps, une rare conscience de sa mission. Des scrupules sur la façon de rendre compte de la souffrance, et un souci du respect dû aux victimes, qui l'honorent hautement. De ce très beau documentaire, outre la personnalité remarquable qu'il dépeint, reste aussi sur notre rétine, et c'est là sa vertu cardinale, les expressions poignantes, bouleversantes, des hommes et des femmes dont le photographe s'est fait le héraut.
© LES FICHES DU CINEMA 2002
