Synopsis
Il est une définition héritée de la poésie romantique : celle des yeux comme le miroir de l'âme. Le regard comme "fenêtre sur l'âme", c'est le point de départ de ce documentaire du Brésilien João Jardim, qui interroge des réalisateurs, écrivains, comédiens, photographes, ou encore neurologues sur leur façon de voir le monde et de se voir dans le monde. Comment une déficience visuelle n'entraîne pas forcément une baisse d'acuité du regard (les autres sens prenant le relais), comment une malvoyance peut contribuer à faire naître un regard (comme c'est le cas pour Evgen Bavcar, photographe aveugle), ou encore comment le fait de porter des lunettes depuis l'enfance peut altérer la personnalité : autant de thèmes abordés tour à tour par ces intervenants du monde entier. Les propos de Wim Wenders sur le cadre de ses verres de lunettes, qui lui manque lorsqu'il porte des verres de contact, sont amusants. Espiègle, celui-ci conclut que l'on voit trop, et que l'on n'en a pas besoin. Agnès Varda évoquant Jacques Demy est toujours aussi touchante. Le regard qu'elle porte sur celui qui fut son mari, est tendre, mais aussi subtil dans l'analyse de sa propre subjectivité. Le témoignage de la réalisatrice de films d'animation Mariut Rimminem est aussi très émouvant. Evidemment, on ne peut que se sentir concerné, que l'on soit ou non porteur de lunettes. Et c'est la question du regard de l'artiste sur le monde qui est posée. Mais qu'il y ait autant de regards qu'il y a d'individus, on n'a pas attendu Fenêtre sur l'âme pour le savoir. Car c'est le principe même du cinéma dans son essence : poser sa caméra ici plutôt qu'ailleurs, c'est déjà l'expression d'un point de vue, le choix d'un angle, les prémices d'une interprétation du monde. Or, celle-ci fait cruellement défaut à ce documentaire, sorte de pêle-mêle générique sur un thème loin d'être neuf. Alors, fallait-il un film qui se présente comme une succession d'interviews entrecoupées de plans très scolaires sur des paysages, urbains ou naturels, pour nous apprendre à mieux regarder ? Trop frontal, trop appuyé et trop morcelé, avec cette dimension didactique qui agace, le réalisateur semble nous enjoindre de regarder autrement, de prendre de la distance dans ce monde saturé d'images mais reste lui-même à la surface des choses, sans jamais ni plonger ni décoller. Trop de pistes de réflexion sont lancées pour être réellement approfondies. Et on reste sur sa faim devant ses dernières images, un peu faciles, de naissance, et du premier regard d'un nourrisson sur le monde.|#|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2004