Synopsis
Stephan Oriach rencontre Orlan en 1991, à la veille de la sixième opération-performance que l'artiste (qui s'inscrit dans la lignée du Body Art des années 60) va mettre en scène. Le réalisateur filme alors cette opération chirurgicale dans un bloc opératoire transformé en lieu artistique où la "patiente", en fait commanditaire de l'acte et consciente, lit du Michel Serres déguisée en Arlequin durant l'intervention. Depuis donc plus de dix ans, S. Oriach, suit le parcours radical (et éprouvant pour le spectateur) de cette artiste hors du commun. Née en 1947 à St Etienne, Orlan pratique dès le départ plusieurs arts plastiques et corporels. Très vite, elle s'approprie les icônes féminines de l'histoire de l'art, vierges et vénus, auxquelles elle prête son corps, en en cassant le sens. En réaction aux canons classiques de la beauté qui incite les femmes à recourir à la chirurgie esthétique, elle aussi passe outre le respect sacré du corps donné, et fait de sa peau et de sa chair l'instrument de son art. Lequel est à la fois dénonciation et quête de son identité, d'une altérité à laquelle elle convie son public en montrant via la vidéo son corps ouvert sur une table d'opération. De plus, outre le spectacle de ses chairs triturées, Orlan nous présente des tableaux réalisés avec ses pansements et autres restes organiques puants qu'elle a pieusement gardés. Entrecoupées d'analyses plus ou moins absconses de critiques d'art, de galeristes, de mystiques indiens, les séquences d'interventions, commentées par Orlan sous péridurale, sont particulièrement insoutenables pour les âmes sensibles ! De New York, où elle a trouvé une chirurgienne (qui, au passage, interpelle notre conception de la déontologie médicale) prête à lui implanter deux bosses sur le front, à Dehli où elle organise une exposition de ses oeuvres picturales ou photographiques issues de ses transformations, Orlan remet en question la notion même d'art. Au-delà de l'évidente provocation, commune à la plupart des mouvements artistiques novateurs, ce Carnal Art, habillé par ses exégètes d'un discours psychanalytique et pédant, et, par son auteur, d'une logique parfois amusée, laisse extrêmement perplexe quant à l'intérêt réel de tout cela. Car, entre le sensationnel agressif des images et l'intellectualisme fumeux de leur justification, il manque un élément intermédiaire, quelque chose de personnel qui pourrait nous parler. On est alors souvent tenté de ne voir dans la démarche de l'artiste qu'un phénomène psycho-social, plutôt qu'une nécessité d'expression sublimée par une esthétique, quelle qu'elle soit.
© LES FICHES DU CINEMA 2003
