Synopsis
Novices du blues,
The Soul of a Man est une révélation ; aficionados, il est un cadeau. Le film de Wim Wenders se veut très ouvertement encyclopédique : l'oeuvre hommage à conserver précieusement dans toute vidéothèque d'un mélomane qui se respecte. Car le pari du producteur, Martin Scorsese (excusez du peu), est rien moins que de faire revivre le blues depuis son origine.
The Soul of a Man est ainsi le premier volume de la collection "The Blues" qui contiendra sept opus, signés entre autres par Scorsese lui-même, Mike Figgis ou encore Clint Eastwood, tous passionnés notoires. Pour ce premier volet, Wim Wenders s'attaque à trois grandes figures, ses préférées : Blind Willie Johnson, Skip James et J.B. Lenoir. Trois musiciens hors pair, ayant créé la légende du blues avant de retourner rapidement dans l'ombre. Aucune similitude avec
Buena Vista Social Club, le précédent "film musical" de Wim Wenders (on serait plus proche de l'essai ludique
Les "Lumière" de Berlin). Ici, le réalisateur ne part pas à la rencontre des musiciens oubliés, il les ressuscite d'une toute autre manière. Mêlant subtilement images d'archives (très rares) et reconstitutions documentaires, c'est un pan de l'histoire des Etats-Unis que Wenders nous révèle. Car comment distinguer la genèse du blues de la lutte contre la ségrégation (
Down in Mississipi, J.B. Lenoir), la misère (
Hard Times Killing Floor Blues, Skip James) ou la guerre (
Vietnam Blues, J.B. Lenoir) ? Le spectateur (re)découvre, ébahi, la force de ces complaintes poétiques, entre sagesse et révolte, espoirs et incompréhensions.
The Soul of a Man s'écoute surtout, tel un voyage à travers le temps et l'espace, conté par le pionnier du blues Blind Willie Johnson, auquel Laurence Fishburne prête sa voix. C'est d'ailleurs sa mythique chanson
Dark Was the Night qui a été choisie parmi les objets que la Nasa a immortalisés dans son vaisseau Voyager, lancé en 1977. C'est le point de départ du film et son fil rouge : l'éternelle influence du blues sur la musique contemporaine. En témoignent les interprétations très personnelles de quelques excellents morceaux des trois grands bluesmen par un ensemble hétérogène de musiciens contemporains : Eagle-Eye Cherry, Nick Cave, Lucinda Williams, Beck ou Lou Reed. Si le film manque parfois de rythme, il procure néanmoins un besoin irrépressible de se procurer la bande originale, voire de dénicher un vieux 33 tours grésillant et mélancolique.
© LES FICHES DU CINEMA 2004