Synopsis
Un homme, assis, Houy. Sa femme, avec un bébé. Son aîné joue. Ses parents vivent avec eux : "Fais une cérémonie pour ne plus revivre cela", dit sa mère. Ajoutant que, pourtant, elle l'avait bien élevé. Nath, lui, est artiste-peintre. Il retrouve devant un immeuble le vieux mécanicien Mey. Celui-ci peut à peine parler, pleure même. Longuement torturé, toute sa famille massacrée, il a fini par avouer n'importe quoi à ses bourreaux, signant sans les connaître l'arrêt de mort de dizaines de personnes. La victime se sent coupable d'avoir survécu. C'était il y a un quart de siècle, dans ces bâtiments. Les "Khmers rouges" appelaient "S 21" ce centre d'extermination, en plein coeur de Phnom Penh. Près de 17 000 victimes y moururent après avoir été systématiquement suppliciées, entre 1975 et 1979. Dès 1980, c'est devenu un musée, Tuol Sleng, en hommage aux victimes du génocide. Nath et Mey en sont deux des rares survivants. Houy, lui, était l'un des bourreaux. Le malaise qui s'installe dès la vision de Houy, comme étranger chez lui, et se plaignant de maux de têtes permanents, ne nous quittera plus. S. 21 est plus qu'un terrible document sur le délire criminel des "Khmers rouges". Il atteint, avec une rigueur d'une rare sobriété, la profondeur et la puissance de
Si c'est un homme de Primo Levi. Comme, par les mots, l'immense écrivain survivant d'Auschwitz, Rithy Panh (lui-même rescapé des camps Khmers), par l'image, dit l'indicible. Devant Nath, devant nous, des bourreaux, gênés mais sans remords, Houy, Khân, Thi, et ce "médecin", Thim, qui remettait les victimes en état d'être encore torturées : "le type d'homme le plus dangereux de ce siècle, l'exécutant aveugle des ordres reçus", écrit Françoise Carasso citant Primo Levi : "peut-être que ce qui s'est passé ne peut pas être compris, et même ne doit pas être compris, dans la mesure où comprendre, c'est presque justifier." 30 ans après Auschwitz, le Cambodge connut le pire régime de terreur et de destruction de l'homme de la deuxième moitié du siècle. L'extraordinaire dignité de Nath, qui peint et repeint ce que sa mémoire a gardé de S 21, ne peut nous (lui ?) faire comprendre comment la construction la plus tragiquement folle qui fut jamais, put être relayée par tant d'exécutants et complices. Déshumaniser, exterminer, deux millions de morts, le quart de la population massacré dans les centres de torture ou les camps dits "de travail" en quatre ans. Houy et les autres obéissaient (aveuglément ? avec plaisir ?) à l'"Angkar", l'autorité suprême invisible. Le moment le plus sidérant (et presque insoutenable) est celui où Poeuv, le gardien, refait ses gestes, hurlements, sévices d'alors, dans les locaux vides, laissés en l'état. Rien n'est "montré", tout est dit. Et lorsque défilent sur l'écran les portraits des victimes exposés sur les lieux de leur martyre, on ne comprend toujours pas. Mais on ne pourra plus oublier.|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2004
