Synopsis
Pour Bouda, être "une marque de vélo", c'est le summum de la dévalorisation dans l'échelle sociale. L'expression fait sourire. Seulement, dans le cas de ce jeune danseur de Hip Hop, le sourire est amer : à 30 ans, Bouda est socialement inexistant, un "mort-vivant" selon les mots de son père. Victime de la double peine, cet immigré, arrivé en France à l'âge de quatre mois, est expulsé du territoire français à sa sortie de prison en 1997. Après un bref séjour en Tunisie, son pays d'origine où il n'a aucune attache et où il se sent étranger, il décide de rejoindre clandestinement la cité de Dugny, où il a grandi. Là, il croise la caméra de Jean-Pierre Thorn, qui lui consacre ce documentaire. Il s'agit pour le réalisateur de dresser le portrait de Bouda. Un portrait objectif et sans concession, esquissé au fil de ses témoignages, de ceux de sa famille ou de ses amis, et illustré par de magnifiques séquences dansées. Car Bouda est de cette génération qui a connu le lancement du mouvement Hip Hop en France, au début des années 80. À peine âgé de treize ans, Bouda est à l'époque un danseur réputé, mi-prodige, mi-mascotte. Le portrait individuel croise alors le destin collectif de toute une génération de jeunes de banlieue. Une génération qui avait trouvé dans le "break dance" et les "graffs" un moyen d'exprimer son malaise autant que son esprit créatif. Une génération malheureusement prise dans le carcan social des cités, et qui déchanta rapidement ; à l'image de Bouda qui, à 19 ans, tombe dans la spirale de la toxicomanie et se retrouve en prison. Une génération, enfin, à laquelle le film de Jean-Pierre Thorn redonne la parole, à un moment où les jeunes du "neuf trois" sont réduits au silence par les lourds clichés qui recouvrent la vérité des banlieues. On n'est pas des marques de vélo cherche donc à en finir avec ces clichés, tout en construisant un plaidoyer intelligent et émouvant contre l'absurdité de la double peine. Tout le mérite du réalisateur est d'avoir su trouver le ton juste pour atteindre son objectif, en évitant la revendication agressive comme l'angélisme misérabiliste. Le portrait de Bouda résonne alors comme le portrait de la jeunesse elle-même : bouillonnante et révoltée, empêtrée dans ses illusions, ses déceptions et finalement ses erreurs. Sauf qu'il est une jeunesse à laquelle la société pardonne moins lesdites erreurs...
© LES FICHES DU CINEMA 2003
