Synopsis
S'ils avaient voulu l'appeler "Sur la route de Memphis" ils l'auraient certainement fait. Mais le titre n'évoque pas tant le voyage qu'entreprennent certains vers la grande ville du blues, que le chemin par lui-même... Je vous rassure tout de suite,
La Route de Memphis n'est pas aussi obscure que cette phrase d'introduction. Là où W. Wenders avait redoublé d'inventivité pour donner vie à trois pionniers du blues dans
The Soul of a man (première des sept productions de Martin Scorsese à venir sur cette musique), Richard Pearce, réalisateur des Moissons de la Colère avec J. Lange et de La Liberté au bout du chemin avec W. Goldberg, emprunte une démarche plus classique, plus riche aussi. Et pour cause, il s'attaque à l'une des plus grandes figures du genre : B.B. King. Phénomène depuis des décennies, l'artiste évoque des débuts difficiles, des rêves, et un bonheur serein. Le spectateur se rend très vite à l'évidence : le blues est né dans les champs de coton, entre la ségrégation et l'espoir d'un partage généralisé. Voici bien le rêve du jeune Bee Bee King : offrir sa musique à un public toujours plus large et voir les Afro-Américains s'intégrer hors de la "Beale Street", quartier chaud et excitant de la ville. Ici, les archives sont abondantes, chose d'autant plus agréable que la plupart des protagonistes étaient présents lors du tournage. Le film est, entre autres, dédié à Rosco Gordon, pianiste immense ayant sombré dans l'oubli et s'en plaignant avec le sourire (pas un de ses disques dans les magasins de la Beale Street, investie par les Blancs !). Après avoir travaillé dans la blanchisserie, il retrouvera son piano pour une série de concerts, avant de s'éteindre vers la fin du tournage. Parmi les temps forts du film, on notera les retrouvailles émouvantes de Ike Turner (organiste) et de Sam Phillips (producteur d'Elvis Presley, qui donna plus qu'une simple chance aux bluesmen noirs). Et puis il y a Bobby Rush, bellâtre de 65 ans arpentant chaque semaine les restaurants du coin (ou pas) avec ses musiciens. C'est aussi ça La Route de Memphis : l'amour de la musique qui vous fait rouler dans un car mythique, et arriver à l'heure pour le Gospel du dimanche ! Une vie qu'on ne choisit pas, car c'est elle qui vous appelle.|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2004