Synopsis
Dans les rues chaudes et colorées de Santiago de Cuba, une petite troupe de septuagénaires en file indienne trimballe guitares, trompette, contrebasse, percussions et amplis. Ils sont une dizaine. Ils s'appellent "Los Jubilados", ce qui, en espagnol, signifie retraités. Retraités de quoi ? On ne le saura pas. On voit juste qu'ils portent, sur leur visage sculpté, la marque de temps rigoureux et sévères. Enfants de la rue, enfants de la montagne, ils ont appris la musique cubaine comme on apprend à marcher. Installés à l'improviste sur un bout de trottoir, ils commencent à jouer. Une musique chaude et rythmée. Une musique qu'on croirait sortie du coeur même de la ville. Une musique qui monte tout droit de ses pavés brûlants et de ses murs décrépits. Ça s'appelle le "Son". Ce n'est ni de la salsa, ni de la rumba comme nos oreilles néophytes ont cru le reconnaître, mais un savant mélange d'influence afro-hispanique. Surtout, c'est un jeu, une joute musicale entre un soliste qui improvise au gré de son inspiration et un choeur qui scande le refrain. Un duel pacifique auquel assistent et participent les passants. Car, comme le précise fièrement un des Jubilados, s'il est dur d'apprendre à danser la salsa, tout le monde sait danser le son, d'instinct. Confortablement assis dans notre fauteuil, il nous prend aussi des envies de remuer le bassin et de bouger les pieds. Sous le regard discret, respectueux et fidèle d'Yves Billon, le plaisir et l'énergie des retraités cubains sont donc hautement communicatifs. Inspiré par le travail de Cartier-Bresson, le réalisateur avoue avoir voulu "saisir", non plus des images, comme son mentor, mais des séquences. En cela, son documentaire est une belle réussite. Suivant le groupe dans ses diverses tournées, d'un coin de rue à une fête perdue dans un champ de café, d'un festival sur la côte basque française à un bal cubain, le film agit comme une photographie sensuelle. Une photographie qui viendrait figer ces instants pour mieux en restituer l'émotion et l'ardeur. On pense bien sûr au célèbre Buena Vista Social Club de Wim Wenders et on se dit que Cuba Son souffre d'un petit air de déjà-vu. À moins qu'il ne s'agisse d'un savoureux refrain qui reviendrait rythmer nos salles de cinéma.
© LES FICHES DU CINEMA 2003
