Synopsis
L'auteur réputé de "Dangereuse sous tous rapports ", " Le Silence des agneaux " ou " Philadelphia ", n'en est pas à son premier documentaire. Déjà, le drame quasi permanent que vit Haïti depuis des lustres, lui en avait inspiré d'autres, tels " Haïti : Dreams of Democraty " ; " Haïti : Killing The Dreams " ; " Courage and Pain " : titres ô combien évocateurs du malheur haïtien sous les dictatures de Duvalier père et fils et de leurs "tontons macoutes" tortionnaires, de la détresse du peuple et des espoirs si souvent trahis de liberté et de mieux-être. Il avait découvert Haïti et Jean Dominique en 1986, et à partir de 1993 il rencontra longuement le journaliste, alors exilé depuis des mois avec son épouse Michèle Montas aux Etats-Unis, tous deux ayant fui la nouvelle terreur exercée par le général Cedras. C'est à la fois très simple et très compliqué, Haïti. Cette tragique simplicité de la misère accentuée par le viol des droits de l'homme depuis plus d'un demi-siècle, cet enchevêtrement complexe de coups d'Etat, d'ingérences états-uniennes contradictoires, J. Demme et J. Dominique les décryptent magistralement. Après ce film, on a peine à parler au passé de Jean Dominique, journaliste aux convictions démocratiques tenaces, farouchement libre, qui tint à bout de bras depuis 1968, avec quelques amis et celle qui devint sa femme, "Radio Haïti Inter" devant laquelle il fut assassiné le 3 avril 2000. Au départ ingénieur agronome (d'où le titre), maintes fois emprisonné, malmené, contraint à l'exil, le personnage est épatant de gouaille, de chaleur, de détermination. J. Demme a filmé leurs longs entretiens, et les a ponctués d'extraits de films et de séquences-reportages tournées au coeur du pays ou lors du journal quotidien d'Haïti Inter. Ayant accompagné l'espoir suscité par l'élection de J-B. Aristide en 1990, puis soutenu un temps le président Préval, Jean Dominique n'avait cessé de dénoncer la corruption et le trafic de drogue, et avait perçu les graves risques de dérives que l'évolution d'Aristide, dès son retour en 1994, portait en elle. Il l'a dit, et on l'entend le dire... Une séquence d'une force rare, tout comme celle où Michèle Montas, d'une superbe dignité, lui rend hommage après son assassinat (l'enquête fut bien sûr enterrée) au micro de la radio qu'elle devra ensuite (en 2003) abandonner. Et tant de séquences seraient à citer, des manifestations populaires de la vallée de l'Antibonite à l'immersion des cendres de J. Dominique, en passant par les témoignages de sa mère et de ses soeurs, l'évocation des exactions (1980, 1991) des hommes de main des dictateurs contre "sa" radio, et celle - si révélatrice du personnage - de son retour en Haïti. Des milliers de gens l'attendent, l'acclament : "Dominique, Dominique" scandent-ils. "Haïti, Haïti", les oblige-t-il, calme et ferme, à clamer...
© LES FICHES DU CINEMA 2004
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