Synopsis
Créée en 1995, l'OMC est une entité encore mal connue, rarement à la une des grands médias, souvent désemparés par ce sujet a priori pas très "glamour". Fort de ce constat, le réalisateur V. Glenn (Davos, Porto Alegre et autres batailles), proche de la mouvance altermondialiste, s'emploie à faire le portrait (le procès ?) de l'institution. V. Glenn commence donc par le commencement : il se rend à Genève pour interviewer Mike Moore, le directeur général de l'OMC de 1995 à 2002. Puis, d'éminentes figures de l'altermondialisme donnent, en quelque sorte, la réplique à "Mike" (comme l'appelle V. Glenn, en clin d'oeil à la décontraction appliquée de son interlocuteur) : J. Bové ("un syndicaliste"), S. George, philosophe et vice-présidente d'ATTAC, Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, parmi tant d'autres. Grâce à leurs propos très éclairants, on comprend peu à peu le rôle de l'OMC et l'étendue de son pouvoir exorbitant, "au service de l'idéologie ultra-libérale". Mais en multipliant les intervenants, le film s'égare. Il traîne en longueurs inutiles, comme ces détours impromptus par des extraits de concerts ou des moments d'auto-mise en scène, qui déconcentrent plutôt qu'ils ne permettent de s'évader de l'"univers économique". Ces appositions frôlent même parfois la démagogie, ou le manichéisme (les musiciens africains sont sympas et éclairés, le fonctionnaire de l'OMC est étriqué et asservi).Le hic, c'est que V. Glenn n'a pas vraiment d'angle d'attaque et se trouve vite dépassé par son sujet. Il aurait gagné à resserrer son propos sur le sujet brûlant et passionnant traité dans la deuxième partie du film : l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), lancé lors du dernier round de négociations de l'OMC en 2002, à Doha, au Qatar. Plus percutante, mieux ciblée, cette seconde partie décolle enfin. A l'instar d'un P. Carles, V. Glenn laisse ses intervenants s'enferrer tout seuls dans leurs contradictions, comme l'effarant P. Lamy, commissaire européen au commerce, capable de dire que "faire des progrès dans le commerce des services, est différent d'une dérégulation des services". Alors qu'à travers cette ouverture du champ des services à la concurrence, "c'est un véritable projet de société qui est en train de s'imposer", pour citer H. Désir, député PS européen. Les services publics sont en effet implicitement menacés, puisque seuls n'entrent pas dans les négociations les services régaliens de l'Etat (police, justice et armée). Pour le reste : enseignement, culture, environnement. tout est inclus. Tourné en vidéo, avec très peu de moyens, diffusé par un réseau indépendant, le film revendique l'esthétique "crade". Soit. Mais il aurait fallu faire preuve de virtuosité, d'originalité, ou au moins de rigueur pour faire passer la pilule : 2h20 d'images arides sur un sujet économique complexe.
© LES FICHES DU CINEMA 2004