Synopsis
L'élection-coup d'Etat de George W. Bush en 2000 le mène très bas dans les sondages. Puis survient l'attentat du World Trade Center, occasion pour le Président d'écourter ses vacances et de se refaire une place sur la scène internationale (tant politique que financière). Manipulations en tous genres (l'assimilation Al Quaïda-Saddam Hussein) et censures (des rapports d'experts certifiant l'absence d'armes de destruction massive en Irak) rallieront massivement l'opinion publique américaine à son plan d'invasion de l'Irak... Michael Moore s'attaque à ces mensonges d'Etat pour, proclame-t-il, empêcher la réélection de Bush. Le sujet semble donc trop sérieux pour qu'il marque son cinquième film de sa "touche de trublion". Il s'efface plutôt derrière le comique George W. Bush, dont l'humour papillonne entre la bêtise et le cynisme, notamment lorsqu'il demande officiellement au peuple qu'il gouverne - tremblant sous la psychose des menaces d'attentat - de "partir en vacances et profiter de la vie". Moore démonte habilement la machinerie belliqueuse du Président, égrenant des informations cruciales pour mieux comprendre les conflits d'intérêt qui lui sont favorables et plonger dans la conscience américaine post-traumatisme, tout d'abord purement patriotique, puis glissant lentement vers la critique. Mais, là où le redoutable documentariste se révèle moins efficace que dans ses précédentes attaques (contre General Motors dans
Roger et moi, ou Nike dans
The Big One), c'est lorsqu'il cède au pathos, sans recul ni perspective. Alors qu'il cherchait à comprendre, dans Bowling for Columbine, les raisons de la violence sévissant aux Etats-Unis, il prend le parti, ici, de livrer des images brutes, dénuées de commentaire ou de point de vue (ainsi les militaires rencontrés en Irak ou la mère d'un soldat, mort sur le front). Le procédé plonge alors
Fahrenheit 9/11 dans un pamphlet anti-Bush assez primaire. D'autant que les images proviennent pour la plupart de la télévision. C'est sans doute ce qui a tant fait débat à Cannes, après la remise de la Palme d'Or. Ce n'est pas tant la mauvaise foi de Moore, ou même le rôle politique qu'il souhaite donner à son film, qui était en question. Mais on pouvait plutôt s'étonner du choix de Tarantino de décerner la récompense suprême à un documentaire, aussi politique soit-il, qui est, somme toute, d'un intérêt cinématographique médiocre.
Fahrenheit 9/11 délaisse, en effet, les qualités artistiques ou l'originalité que l'on reconnaissait aux précédents opus de Moore, pour n'être qu'un efficace tract politique.
© LES FICHES DU CINEMA 2004