Synopsis
Un an après sa fable ubuesque sur la folie du pouvoir haïtien, le bien nommé Royal bonbon, C. Najman, revient fouler les mêmes terres, mais, cette fois, pour filmer la réalité concrète du pouvoir, ses dignitaires et ses hommes de main. En alternant les interviews d'opposants, d'historiens, d'anciens ministres, mais aussi des "chimères" - ces jeunes miliciens miséreux à la solde du pouvoir en place -, Najman tente de comprendre comment Haïti, la première démocratie "noire" du monde, a réussi à faire rimer indépendance et despotisme avec autant de constance. Tout commence par une rapide synthèse de l'histoire de l'indépendance d'Haïti, conçue, à juste titre, comme une rupture historique mondiale puisqu'elle mit fin au caractère monochrome de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 : dès lors, l'Homme libre n'était plus seulement blanc (nous attendons toujours qu'il devienne également femme, mais ça c'est une autre histoire). Najman s'attaque plus particulièrement à la figure du dernier despote en date, Jean-Baptiste Aristide. C'est avec beaucoup de didactisme que le réalisateur nous conte alors le destin si particulier de cet ancien chantre de la théologie de la libération, devenu, à l'instar de tous ses prédécesseurs, un président-monarque, allergique à toute forme d'opposition et agrippé, tel une sangsue, au pouvoir. Sa marque de fabrique : un mélange populiste entre la bible et le budget national... Tout un programme ! Sans révolutionner la forme et le style documentaires, ce film a le mérite et l'intelligence de ne pas nous asséner une vérité ou une histoire haïtienne uniformes. Najman donne la parole aux Haïtiens et, ce faisant, nous fait découvrir une multitude d'histoires et de points de vue. C'est au spectateur qu'il revient de découvrir Haïti en jonglant avec les discours tenus par les opposants au régime et ceux, désillusionnés, des "chimères". Bien que souffrant de pédagogisme, un mal très répandu dans le petit monde du documentaire, Haïti, la fin des chimères ? titille donc avec brio la curiosité du cinéphile pantouflard. En effet, loin de se contenter de dresser un tableau récapitulatif, c'est à une véritable découverte, ou une visite dont les Haïtiens sont eux-mêmes les guides, que nous invite Charles Najman. Enfin, cerise sur le gâteau, Najam construit un véritable suspense, puisque, après visionnage, vous ne pourrez pas manquer de vous poser cette question lancinante : Haïti va-t-il enfin en finir avec ses chimères ? Des chimères de démocratie, mais aussi des chimères prenant la forme de milices de pauvres, instrumentalisées par un pouvoir qui, lui, n'a rien de chimérique.|#|#
© LES FICHES DU CINEMA 2004
Réalisateur