Synopsis
Outfoxed : la guerre de Rupert Murdoch contre le journalisme. Soit. Le titre est évocateur, impertinent, donc attirant. D'accord. Mais les méthodes de P. Greenwald, à force de démonstrations décalées et insolentes, finissent par perdre toute crédibilité. Alors que la subjectivité assumée de M. Moore séduit et trouve écho chez son public, les intentions tout aussi claires de Greenwald passent pour des revendications de "petit rigolo". Le malaise s'installe très nettement lorsque le ton d'Outfoxed se rapproche dangereusement de celui de la Fox, qu'il dénonce : la chaîne se revendiquant "juste et impartiale", s'avère ostensiblement partisane du gouvernement Bush et détractrice de tout opposant à "l'ange guerrier". Greenwald, pour dénoncer la tromperie d'une chaîne d'information sans journalistes, prend littéralement son contre-pied, en se moquant à son tour du clan Bush et de ses sbires haut placés dans les conglomérats des puissantes firmes de communication. Mais, si on rigole un peu, on se sent vite à la place des fans de Fox TV, prêts à n'écouter que ce que l'on veut entendre, et à rire "entre nous" de ces "imbéciles de Républicains". Bien sûr que l'on voudrait lever le poing et s'insurger contre ces propagandes de désinformation, comme nous exhortent de le faire quelques héroïques résistants, fondateurs de radios libres ou de chaînes de télévision locales. Mais, si la caméra peut réussir quelque exploit, il faut que l'homme qui se cache derrière ne disparaisse pas complètement. Ici, P. Greenwald laisse la parole à d'anciens journalistes, consultants et producteurs de Fox TV, et les interrompt régulièrement par des extraits de talk shows de la chaîne, montés façon clip pour appuyer leurs dires. Hélas, son entreprise manque souvent d'un réel esprit critique : la dérive de l'information vers du marketing grand public, par exemple, n'est pas l'apanage des chaînes républicaines. C'est bien de la déontologie journalistique en général qu'il s'agit. Murdoch en est un vraisemblable dissident, mais son influence et sa puissance ne sont traitées que succinctement. Comme pour son précédent opus,
Uncovered : the war on Iraq, P. Greenwald semble ne s'attaquer qu'à la partie immergée de l'iceberg, et enfoncer des portes ouvertes. Course à l'audimat, manipulation de l'électorat. En résumé : séduction du spectateur. Mais Outfoxed n'est lui-même jamais très éloigné d'un produit marketé, oscillant entre une forme légère et un fond rigoureux, sans jamais trouver le bon équilibre.
© LES FICHES DU CINEMA 2004
