Synopsis
Et les lâches s'agenouillent a d'abord été conçu comme une installation plasticienne, où le spectateur devait, au sens propre, s'agenouiller pour assister aux scènes du film par des trous de serrure. Le film se divise, en effet, en dix chapitres, et, l'accès à chacun de ces chapitres n'était possible que par un trou de serrure, un "peeping-hole". Autrement dit, du voyeurisme. C'est du moins, sous cette forme, qu'il a été présenté au festival de Rotterdam et à Toronto. Mais, Guy Maddin ne se sens pas, pour autant, un cinéaste pour galerie d'art. Pour lui, il s'agit d'une autobiographie... Une autobiographie spirituelle. Si le film possède, en effet, une trame, celle-ci se faufile comme une anguille entre les rets du souvenir. Elle se rétracte à notre effort de mémoire, se contorsionne pour ne laisser que des images, des sensations. Un film qui parle de la mémoire en faisant tout pour se faire oublier, une amnésie ou une forme d'hypnose ? Tentons tout de même un résumé restreint : Guy joue dans l'équipe de hockey sur glace de Winnipeg, les Maroons. Il est en proie à des forces incontrôlables et à une amnésie provoquée par de trop nombreux chocs au jeu. Lorsque sa petite amie, Veronica, tombe enceinte, il la force à avorter dans un salon de coiffure, qui est aussi le bordel de la ville. Guy, en pleine errance, va tomber sous le charme de Meta, la fille chinoise de la tenancière du bordel. Elle veut se venger de cette mère qui a assassiné son père. C'est avec la complicité du médecin des Maroons, qui doit greffer à Guy les mains de son père, qu'elle espère assurer sa vengeance. Il va finalement tuer Liliom, la mère de Meta... mais ce n'est pas la fin. Et les lâches s'agenouillent laisse l'impression, étrange, d'avoir vécu une expérience que seule une madeleine pourra réveiller. Un film muet, qui s'amuse avec les intertitres, et où chacun pourra trouver ses références cinématographiques. On pourra, évidemment, penser aux
Mains d'Orlac de Robert Wiene, au
Masque de cire de Michael Curtiz, mais aussi, beaucoup, au cinéma expressionniste allemand. Et si sa forme accélérée (comme le cinéma muet tourné en 16 images par seconde et diffusé, plus tard, en 24 images par seconde) peut, au début, avoir l'effet cathartique désiré par son auteur, la répétitivité du procédé, associée à la longueur du film, finit par jouer contre lui. Il existe un réel plaisir à se perdre dans cette histoire, un peu comme d'errer dans une ville étrangère dont on ne saisit pas la langue, mais le film va justement pâtir de ces attraits qui finissent par devenir artificiels.
© LES FICHES DU CINEMA 2004
