La Peau trouée (2004) Julien Samani

Pays de productionFrance
Sortie en France23 mars 2005
Durée56 mn
DistributeurShellac (source : ADRC)
>> Rechercher "La Peau trouée" dans le catalogue Ciné-Ressources
imprimer

Générique technique

RéalisateurJulien Samani
Société de production Avenue B Productions (Paris)
ProducteurCaroline Bonmarchand
ProducteurJudith Nora
Distributeur d'origine Shellac Distribution
Directeur de la photographieJulien Samani
Ingénieur du sonJulien Samani
MixeurBenjamin Viau
Compositeur de la musique préexistanteFranz Schubert"Winterreise" et "Auf dem fluss"
MonteurStratis Vouyoucas
MonteurPauline Gaillard

générique artistique

Bibliographie

Synopsis

Difficile de classer La Peau trouée dans une catégorie (documentaire ou fiction) ni dans un format (court ou long métrage) tant sa forme est singulière. Rare est ce genre de films qui échappe aux définitions strictes, aux classements rassurants. Signe d'une liberté de création qui, en nos temps où l'industrie économique du cinéma pèse sur les oeuvres, apparaît comme une utopie naïve. Et pourtant, La Peau trouée existe. Rien de particulièrement spectaculaire ici : pas de grosse machinerie, d'intrigue habilement ficelée. Mais alors en quoi ce "petit" film (à peine une heure) est-il un électron libre noyé dans le formatage ambiant du cinéma français ? Son réalisateur, Julien Samani, a suivi pendant quinze jours des pêcheurs de requins de l'île d'Yeu, au large de l'Irlande. Simplement, au quotidien, dans l'intimité des cabines-dortoirs, dans une vie en mer où l'on dort tout habillé, mange à même la casserole, et où l'on passe des jours sans se raser ni se laver, des temps infinis à regarder la mer en silence, en fumant machinalement. Mais c'est surtout la routine du métier, ces gestes précis et habiles dénotant un savoir-faire aguerri qu'observe le réalisateur. Les travailleurs de la mer ont le dos courbé, les mains épaisses, la parole rare. La relation presque mutique qui les unit n'a pas son pareil à terre, dans la "société des hommes". Et c'est là que le film impressionne : quand la mécanique huilée de la pêche se transforme, lors de la prise des requins encore vifs au bout des harpons, en un bain de sang fascinant autant que nauséeux. Le bateau devient alors le tombeau de ces squales frémissants et agonisants, tandis que jamais les pêcheurs ne défaillent, imperturbables dans l'exécution de leur tâche. Le film est dépourvu de tout commentaire : Julien Samani ne juge pas, ne prend pas parti, ni pour l'homme ni pour l'animal (d'ailleurs, à ce point culminant de sauvagerie archaïque, l'un et l'autre se confondent). Avec un sens plastique évident, une conscience du cadrage, de la lumière, réceptif sans être démonstratif, il capte ce corps à corps muet, à la violence maîtrisée. Et devant ces longs plans fixes, ce sont des questionnements presque philosophiques sur la nature humaine, la proximité entre animalité et civilité, qui nous traversent. Car ici, nulle reconstitution, nul acteur : juste la captation sensible et pertinente de temps forts où la vie et le travail se rejoignent en une temporalité unique, où les relations échappent aux lois sociales... jusqu'à ce que, les côtes en vue, les pêcheurs reprennent figure humaine. Après l'accalmie finale de ce retour à terre on ressort épuisé et apaisé, médusé et rêveur, de cette expérience partagée. Comme quoi, il n'est pas besoin d'artifice ni de prise en otage pour harponner le spectateur et l'emmener loin.
© LES FICHES DU CINEMA 2005
Logo

Exploitation