Synopsis
Plus qu'un simple documentaire,
État de guerre est un de ces ovnis qui, de temps à autre, tombent du ciel, passent à travers les consciences sidérées des spectateurs, puis repartent vers les improbables contrées qui les ont vus naître. En l'occurence, ce brûlot nous arrive avec une caution des plus douteuses. En effet, il est officiellement soutenu par le Réseau Voltaire de Thierry Meyssan (le très compétent journaliste qui avait démontré la "honteuse imposture" du 11 septembre !). Armé de visionnaires de cette trempe,
État de guerre ne pouvait que planer dans les plus hautes sphères de l'objectivité journalistique ! En effet, Meyssan n'est pas seul : d'autres personnalités témoignent également de leurs visions, tels Annie Lacroix-Riz (improbable sociologue qui, en dépit de son allure hautement bourgeoise, vient nous expliquer la lutte des classes) ou Dieudonné, qui réussit l'exploit d'apparaître ici comme le modéré de la bande. C'est dire le niveau ! Au menu, donc, toute une savante démonstration tendant à prouver que la 3e guerre mondiale est sur le point d'exploser. Le scénario est clairement défini : le monstre américain, grappillant les dernières miettes de l'empire russe, obligerait Vladimir Poutine à se placer de plus en plus sur la défensive, jusqu'à l'inévitable clash. Le Président russe est donc présenté de façon on ne peut plus héroïque. Meyssan affirme même qu'il ne fait "que se donner les moyens" de l'ambition de son patrimoine. Défilent alors, de manière austère et à travers des images vidéo, les témoignages de spécialistes entonnant de concert un chant alarmiste, ou déversant leur haine de Georges W. Bush. Une forme guère innovante donc, et mise au service d'une démarche qui cherche bien plus à frapper les esprits qu'à (faire) réfléchir. Surgissent par instants des partis pris étonnants. Ainsi, tous rappellent que Bush a financé Ioutchencko et la révolution orange d'Ukraine (pas faux), mais en oubliant de préciser l'extraordinaire soutien de Poutine à l'autre candidat. De fait, les spécialistes ici convoqués oublient aussi que Bush fut réélu, malgré tout, de justesse, alors que Poutine obtint un score stalinien au terme d'une campagne où il n'eut aucun véritable adversaire. Le plus triste est, enfin, ce mépris de la forme documentaire dont témoignent les réalisateurs en ne faisant intervenir que des personnes du même bord qu'eux, en n'utilisant les images et les informations que pour valider un message déjà écrit, une opinion déjà formée. En bref, nous avons affaire à l'exact contraire d'un travail d'investigation. Ici, il n'y a en effet nulle place pour la recherche de la vérité, elle est entièrement réservée à l'étalage des certitudes.
© LES FICHES DU CINEMA 2005
