Synopsis
Prenons deux pays : le Mali et la Corée du Sud. Dans les années 60, ils accèdent tous deux à l'Indépendance, à des niveaux économiques équivalents. Aujourd'hui, la Corée du Sud joue dans la cour des grandes puissances économiques, alors que le Mali figure parmi les dix pays les plus pauvres, asphyxié par le poids de sa dette extérieure (le mystérieux "djourou" du titre, qui signifie dette en bambara). Que s'est-il passé ? C'est la question que s'est posé O. Zuchuat, qui relève le défi d'y répondre en une heure. Il dénoue donc avec habileté et subtilité l'écheveau complexe de la faillite d'une nation. Ici, pas de gentils Noirs exploités par de machiavéliques Blancs. La situation est complexe, et les torts partagés. Retour en arrière, en 1961 : l'instituteur Modibo Keita devient le président de la toute jeune République du Mali. En pleine guerre froide, il choisit le camp socialiste. L'URSS et la Chine aident au développement industriel, notamment à l'exploitation du coton, première ressource malienne. Images hallucinantes tirées des actualités de l'époque montrant des milliers de Maliens s'adonnant à des séances de sport collectif à la chinoise ! Puis viennent les années 70 : le lieutenant-colonel Moussa Traoré, soutenu par la France, installe une dictature et fait basculer le pays dans le camp occidental. Encouragé par les institutions financières internationales, le pays s'endette alors "pour le progrès", car "le progrès remboursera". Las... La spirale infernale s'enclenche, et aujourd'hui la dette du pays s'élève à trois milliards de dollars. Élite déficiente, corruption endémique, effondrement des cours du coton, plans structurels inadaptés imposés par les organismes prêteurs... Autant de facteurs qui n'ont fait qu'aggraver la situation. C'est cette spirale que Zuchuat décrypte finement, en multipliant les entretiens, pour donner la parole à toutes les voix de la mondialisation : un ministre malien, de vieux agriculteurs, des avocats suisses, un griot à clochettes, un représentant du FMI... Pour faire court, ce concert dissonant permet de comprendre que, finalement, le Mali s'est enferré, s'endettant pour rembourser les intérêts de la dette. Absurde mais vrai, car la dette est devenue un juteux business pour les pays prêteurs du Nord. Le sujet est aride donc, et Zuchuat s'en sort plutôt bien. Le commentaire en voix off est très bien écrit et donne des clefs. Même si, trop touffu, il nous noie parfois sous un flot de concepts peu évidents. Heureusement, des belles images, comme des cartes postales, prises au Mali ou à Paris, créent de jolies respirations. Et cassent le dispositif statique des interviews. Ainsi, cet âne qui s'ébroue au fin fond d'un village, en réponse aux propos lisses d'un fonctionnaire.
© LES FICHES DU CINEMA 2005
