Synopsis
Après s'être intéressé de près aux pratiques shamaniques des Indiens d'Amazonie dans son documentaire
D'autres mondes, Jan Kounen poursuit sa découverte des cultures lointaines, issues de traditions souvent très anciennes, aux rituels inconnus, mystérieux et a priori inconciliables avec notre culture occidentale progressiste et matérialiste. C'est ainsi qu'il a entrepris de faire de l'outil cinéma le moyen de tendre un pont vers des civilisations traditionnelles. Avec Darshan, il nous entraîne en Inde, aux côtés d'Amma, femme au destin hors du commun. Qui est-elle ? En hindou "Amma" signifie "mère". Son inaltérable capacité d'écoute, son dévouement et son implication physique pour réconforter les "âmes perdues" sont à l'origine d'une reconnaissance universelle. Amma est à elle seule une mère pour son pays. Elle est charnelle et spirituelle, proche de la population et de ses maux, unie jusqu'à la transe à la sagesse divine. Mais si Amma est considérée comme une sainte, elle n'en est pas pour autant désincarnée. C'est elle qui a restauré l'un des rites les plus anciens de l'héritage spirituel hindou, le "darshan" : pendant des heures entières, inlassablement elle serre dans ses bras tous ceux qui viennent la rencontrer et profiter de son enseignement. Mais concrètement, qu'a fait Amma pour atteindre ce statut de maître spirituel, détenteur d'une vérité transcendantale ? On entend, à son sujet, parler de grandes oeuvres d'assistance matérielle, mais ses actions ne sont jamais clairement montrées ou évoquées à l'écran. Tout au plus la voit-on distribuer quelques pommes, dans un pays qui meurt de faim... A force d'avoir le nez collé sur son personnage, Jan Kounen ne nous donne donc à voir qu'une image floue, sans réels contours. Or, pour comprendre l'engouement de ses disciples, il nous faudrait en savoir plus. On ne peut nous imposer l'admiration de cette femme sans nous offrir de clés de compréhension. Voir pour pouvoir croire librement. Sans quoi, la ferveur de ces foules en transe, chantant, priant, ne peut que laisser sceptique et incrédule. Jan Kounen est tombé dans le piège d'une empathie qui entrave la réflexion et empêche la compréhension. Il n'y a là, en effet, ni point de vue clair, ni fil conducteur. Les évocations de la jeunesse d'Amma sont succinctes et insuffisantes. Le résultat est d'une naïveté désarmante. Si bien que l'on s'interroge sur le positionnement du réalisateur, qui semble oublier qu'émotion et bons sentiments ne sont pas suffisants pour toucher le public. Il a toutefois le mérite de la sincérité, c'est évident. Mais ça ne suffit pas à faire un film.
© LES FICHES DU CINEMA 2005
Réalisateur