Synopsis
Débarquant au cinéma, avec un documentaire satirique et soi-disant explosif, juste au moment où il vient d'être renvoyé de la télévision, Karl Zéro pourrait être à l'aube d'une carrière à la Pierre Carles. Mais, en fait, peut-être pas. Car il manque à Dans la peau de Jacques Chirac encore pas mal d'audace, et le fait d'être un vrai film de cinéma. Karl Zéro définit lui-même ce film comme une comédie, et non pas comme un documentaire politique, ce qui constitue, au moins, une belle preuve de lucidité. En effet, la première déception face à ce film vient de son caractère si peu polémique. On nous annonce une foule d'archives explosives, on anticipe déjà le démontage d'un système et des révélations, et en définitive on se retrouve devant le bêtisier de Chirac, commenté par Didier Gustin ! Dès les premières images, il paraît flagrant que le parti pris de faire parler Chirac était une mauvaise idée, un concept de sketch peu taillé pour les longues distances. Et la suite nous le confirmera. Car ce ton de grosse farce potache va sans cesse enfermer le film, limiter sa portée et son impact. D'autant que le commentaire, même s'il reste sympathique et ponctué d'une ou deux bonnes sorties, est loin d'être suffisamment brillant pour insuffler une réelle dynamique. Par ailleurs, le projet en lui-même pose problème. Dans la peau de Jacques Chirac est, en effet, emblématique d'une époque où la politique est devenue un sujet de rigolade aussi anodin que le surf, l'adultère ou les clubs de vacances. En dépit de tous les signes extérieurs du nouveau cinéma militant, le film de Karl Zéro n'est donc jamais porteur d'une mobilisation contre ou d'une proposition pour. Il ne fait que dire des choses qui sont connues, et tirer sur un roi en toute fin de règne. Le film ne débouche alors sur rien, et se contente de refaire, avec moins de talent, ce que font les Guignols depuis quinze ans : transformer Chirac en héros de fiction, en personnage de grand escroc sympathique à mi-chemin entre le de Funès de La Folie des grandeurs et le Pierre Richard du Grand blond, entre l'arriviste hystérique et le simplet arrivé premier dans un concours de circonstances. En ce sens, le film le démontre à nouveau : Chirac était bien le président approprié pour une époque où le fait politique majeur aura été la perte de crédibilité du personnel politique officiel. Le plus comique d'entre tous, le moins crédible : il était définitivement l'homme qu'il nous fallait. C'est une affaire entendue. Mais on peut raisonnablement se demander s'il y a encore un quelconque intérêt en 2006 à se complaire dans un cynisme dont nous avons eu tout le temps, durant les quinze dernières années, d'épuiser les charmes. Et puis surtout : tout cela méritait-il vraiment un film ? D'autant plus si celui-ci ne fait pas suffisamment rire pour avoir au moins le mérite d'être défoulant...
© LES FICHES DU CINEMA 2006
