Synopsis
Voilà un documentaire qui, grâce à une bande-son magique parcourant près de soixante ans de tubes, met le coeur en joie, électrifie le corps, les sens. Il s’attache à une demi-douzaine de choristes dont les voix ont, depuis les années 1960, accompagné des chansons qui, pour beaucoup, sont entrées dans la mythologie. Illustrant des styles musicaux variés, des époques et des convictions différentes, ces choristes - essentiellement féminines ici - n’en font pas moins partie d’une même communauté au sein de laquelle toutes se connaissent. Et si les voix sont grandes et belles, les egos en revanche sont petits car le propos, ici revendiqué par les chanteuses, est de se fondre dans ce qu’elles appellent «The Blend», un état d’harmonie quasi spirituelle dans lequel se dissout l’identité individuelle au seul service du groove. On suit plus particulièrement, et avec beaucoup de gourmandise, les parcours de Darlene Love, Merry Clayton et Lisa Fischer. Comme nombre d’entre elles, les deux premières, filles de pasteurs noirs, ont appris à chanter dans les églises à travers la communion rythmique des choeurs de gospel. Darlene Love a commencé sa carrière comme choriste pour des stars absolues comme Sinatra ou en interprétant des succès comme Today I Met The Boy, sans pourtant jamais en être identifiée comme la chanteuse. En effet, ces parcours, contemporains de la lutte pour les droits civiques, se doublent souvent d’une affirmation en tant qu’interprètes noires, notamment face au pionnier des groupes vocaux féminins des années 1960 : Phil Spector, le producteur blanc, aussi légendaire qu’atrabilaire, qui, sciemment, maintint Darlene Love dans l’ombre, jusqu’à ce qu’elle décide de s’émanciper de sa tutelle. Après un long passage à vide, durant lequel elle dut se résoudre à faire des ménages pour survivre, elle connaît à plus de 70 ans un retour triomphal avec les membres des Blossoms, le groupe féminin qui, en 1962, fut créé par Phil Spector, désormais en prison pour meurtre... Merry Clayton, elle, a accompagné Joe Cocker ou Carole King mais aussi, en 1969, le classique des classiques des Rolling Stones : Gimme Shelter. Mick Jagger rapporte ici avec malice - et son témoignage souligne l’estime qu’il a pour ces choristes dont il sait la valeur ajoutée - l’enregistrement en pleine nuit de ce qui devint un tube planétaire. Il n’avait jamais vu Merry Clayton qui, contactée alors qu’elle était au lit, débarqua, enceinte jusqu’aux yeux, bigoudis sur la tête, pour, dit-elle, «lâcher la sauce» devant des Stones éberlués par sa puissance. Lisa Fischer, plus jeune que les deux précédentes, est aussi de celles qui chantent aux concerts des Stones. Dotée d’une exceptionnelle force vocale, saluée par tous - dont Jagger et Sting - elle est considérée par beaucoup (à juste titre, compte tenu de ses états de service) comme une star à part entière. Primée aux Grammy Awards pour un album solo, elle porte un regard sans concession sur le métier, indiquant que s’il est, pour elle, le lieu même de l’épanouissement et de la réalisation de soi, il peut être aussi, pour ceux qui ne se fantasment que dans la lumière, un enterrement de première classe.
© LES FICHES DU CINEMA 2013