Synopsis
Nastasjia a 10 ans et une certitude inébranlable : elle veut brûler les planches et traverser l’écran. Elle n’a qu’une idée en tête : être actrice. D’une idée forte et tenace, on peut parfois faire un film. C’est ce que s’est dit Frédéric Sojcher, le père de Nastasjia, qui décide donc de filmer sa fille et d’accompagner ce désir en la confrontant aux grands acteurs qu’il a la chance de connaître. Ainsi la jeune fille va déjeuner chez les Chesnais-Stoleru (Patrick, Josiane et Émilie) qui vont tenter de lui donner quelques réponses sur l’origine de leur vocation et sur le lâcher prise vers lequel doivent tendre tous les comédiens. Sur une grande roue, elle interroge Jean-François Derec sur la solitude de l’acteur seul en scène, mais aussi sur l’humour juif. Nastasjia croise aussi la route de deux grands interprètes de Cyrano de Bergerac : Jacques Weber qui va lui parler de panache, d’imaginaire et du mystérieux public qui peuple les théâtres, et Philippe Torreton, qui va lui lire un texte sur la peur. Apparaissent aussi Micheline Presle, François Morel, Yves Afonso, Denis Podalydès... et même Vladimir Cosma que l’on voit composer sur son piano la (jolie) musique du film. Tous parlent d’envie, de désir, de charisme, du feu qui brûle et de la peur qui taraude. Et Nastasjia, accompagnée de son grand-père philosophe et cabot à peine refoulé, chemine vers son envie. D’une certitude que rien ne peut défaire, on la voit évoluer vers plus de nuances. À une question que lui pose Denis Podalydès : "Est-ce que la vie pour toi, c’est forcément le théâtre ?", on la sent même vaciller un instant. Mais la réponse restera en suspens. Je veux être actrice est un tout petit film. En une heure et deux minutes, on suppose que Frédéric Sojcher n’espère pas faire le tour de la question du désir d’être acteur. Son désir à lui, manifestement, c’est de filmer sa fille. Et le seul filtre qu’il pose sur son objectif, c’est celui de l’amour paternel. C’est ce qui rend ce court documentaire à la fois sympathique et énervant. Car de distance entre l’auteur et son sujet, il n’y a pas. En exposant sa fille, Sojcher prend le risque d’exposer aussi l’arrogance de ses 10 ans. Une arrogance sympathique, mais une arrogance quand même. Nastasjia trimballe ses certitudes parce qu’elle peut se permettre d’en avoir : elle vient d’un milieu intellectuel (père réalisateur, mère psychiatre, grand-père prof de philosophie) qui semble lui avoir donné tous les éléments pour mener une enfance sereine et intelligente. C’est évidemment très enviable. Mais l’heure des doutes n’a pas encore sonné. Et le doute est sans doute plus cinématographique que l’assurance. Du coup, on aurait presque envie de conseiller à Frédéric Sojcher de continuer à filmer sa fille et de nous montrer dans dix ans ce qu’il est advenu de ses rêves d’enfant. Parce que le sujet du film n’est finalement peut-être pas tant celui que sous-entend son titre - vouloir être actrice - mais plus celui du désir de devenir quelqu’un d’autre, cet adulte encore inconnu dont on peut déjà un peu imaginer les contours mais qui garde encore sa plus grande part de mystère.
© LES FICHES DU CINEMA 2016