Synopsis
Pour ceux qui rêvent encore d'un monde où l'on pourrait dissocier le fond de la forme, il y a Jean-Marie Straub, 47 ans de métier. Pour ceux qui voient encore dans le communisme un moyen de réaliser, ensemble, une société nouvelle où l'on bannirait de "fausses différences" sans pour autant mettre en place une "âme collective", il y a Élio Vittorini, essayiste italien mort en 1966. Considérant la volonté commune aux deux hommes de dénoncer l'hypocrisie, il était évident que Straub, installé à Rome depuis 69, finirait par se pencher sur le cas de Vittorini. Et de fait, depuis Sicilia en 1999, Straub et son épouse et collaboratrice Danièle Huillet n'en finissent plus d'explorer l'oeuvre de l'Italien : c'est en effet la troisième fois d'affilée qu'ils adaptent un de ses textes. Durant toute leur carrière, les deux cinéastes ont recherché un cinéma épuré de tout artifice, rejetant jusqu'au plaisir du spectateur afin, soi-disant, de mettre le texte en valeur. Résultat peu probant figurez-vous, puisque dans ce nouveau long métrage on finit par ne plus écouter ce que disent ces hommes ridiculement disposés dans la forêt et lisant des textes des "Femmes de Messine", de Vittorini. Tout commence par un joli plan rapproché de l'une des comédiennes. La verdure des branchages ressort à merveille, un ton s'installe, une substance, et puis plus rien. De pseudo-comédiens débarquent de nulle part, prêtant leur articulation la plus neutre à un texte pesamment incompréhensible. C'est tout juste si des voisins n'arriveraient pas en pyjamas pour apporter leur contribution à cette oeuvre qui finit par être spectaculaire ("qui parle aux yeux, en impose à l'imaginaire", dixit le Petit Robert) tant elle refuse de l'être. Le spectateur comprend donc vite qu'il serait plus pertinent de lire directement le texte ou d'en filmer les pages avant de les plonger sur l'écran ! Car la distanciation est telle, les acteurs sont si mal dirigés, qu'il est rigoureusement impossible de suivre le récit et de s'intéresser au propos. Car il ne saurait y avoir de fond sans un minimum de forme... Vittorini s'interrogeait sur une époque utilisant machinalement tous les moyens dont elle disposait, quelle qu'en soit la raison (la bombe H, par exemple). Straub et Huillet, quant à eux, se fichant d'agir dans l'extrême, négligent systématiquement tout ce qui s'offre à eux. Leur cinéma s'en retrouve encore plus singulier, certes. Mais on se prend tout de même parfois à souhaiter que la prochaine étape dans leur quête de pureté soit la suppression de la caméra dans leurs projets... les films d'aujourd'hui sont si démagogiques !
© LES FICHES DU CINEMA 2003